L’Hôtellerie-Restauration : La CJUE a rendu le 19 septembre dernier un arrêt de principe portant sur les clauses de parité tarifaire insérées par les plateformes de réservation hôtelière, et notamment par Booking, dans leurs contrats conclus avec les hôteliers. Pouvez-vous nous en résumer la signification ?
Maitre Marc Barennes : Cet arrêt de la Cour est d’une importance considérable pour les hôteliers. En effet, la CJUE, qui est la plus haute juridiction dans l’Union européenne, a jugé que les clauses par lesquelles les plateformes de réservation en ligne interdisent aux hôtels de proposer des prix inférieurs aux leurs sur leurs sites ou sur des plateformes de réservation concurrentes sont en principe interdites dans toute l’Europe.
Cette déclaration de principe d’illégalité des clauses de parité tarifaire vaut non seulement pour les clauses dites « étendues », interdisant à un hôtel de proposer des meilleurs tarifs sur ses propres canaux de vente et ceux des plateformes concurrentes, mais également pour les clauses dites « restreintes », c’est-à-dire celles interdisant à un hôtel de proposer des meilleurs tarifs uniquement sur son site.
Dans les faits, s’agissant plus particulièrement de Booking, compte tenu de sa position dominante sur le marché des plateformes de réservation en ligne dans la grande majorité des pays de l’Union européenne, tels que la France, il est à exclure que ses clauses de parité tarifaire puissent désormais être considérées autrement que comme anticoncurrentielles.
Quelles sont les conséquences de cet arrêt pour les hôteliers qui utilisent Booking, en Europe et, plus particulièrement, en France ?
Les clauses de parité tarifaire imposées par Booking sont nulles et deviennent inopposables aux hôteliers.
Partout dans l’Union européenne, Booking ne peut donc plus exiger des hôteliers une parité tarifaire sur leurs propres canaux de vente ou ceux d’autres opérateurs de réservation en ligne. Cette solution de la CJUE s’inscrit d’ailleurs dans la lignée de celles retenues, d’une part, par l’autorité espagnole de la concurrence qui a imposé cet été une amende de plus de 400 millions d’euros à Booking pour son comportement anticoncurrentiel sur le marché espagnol et, d’autre part, celle qu’envisage actuellement d’adopter l’autorité italienne de concurrence pour le marché italien. Par exemple, dans sa décision, outre les clauses de parité tarifaire, l’autorité espagnole de concurrence n’a pas hésité à condamner Booking notamment pour son manque de transparence dans la mise en œuvre de ses programmes préférentiels et dans son classement par défaut des hôtels sur sa plateforme.
En France les clauses de parité tarifaire, à la fois étendues et restreintes, sont interdites depuis l’adoption de la loi Macron en 2015, Toutefois, Booking continue de recourir à des clauses de parité tarifaire que l’on pourrait qualifier de « déguisées » à travers ses programmes préférentiels, qui constituent des programmes incontournables pour les hôteliers puisqu’ils leur permettent de bénéficier d’une plus grande visibilité sur la plateforme de Booking. Seul problème : pour accéder à certains de ces programmes, les hôteliers sont obligés d’offrir une parité tarifaire. Ces clauses de parité tarifaire « déguisées » sont donc à notre avis également anticoncurrentielles.
Que peuvent faire les hôteliers qui s’estiment lésés par les pratiques de Booking ?
Dans l’hypothèse où Booking ne respecterait pas l’interdiction d’imposer des clauses de parité tarifaire, les hôteliers pourraient saisir l’Autorité de la concurrence ou les tribunaux pour obtenir que leurs droits soient respectés.
Par ailleurs, compte tenu du manque à gagner considérable qu’ils ont subi du fait de la mise en œuvre non seulement de ces clauses de parité tarifaire, mais également des autres pratiques de Booking, telles que celles déjà sanctionnées par l’autorité de la concurrence espagnole, les hôteliers ont un intérêt certain à faire valoir leurs droits à obtenir réparation. Ils peuvent agir soit dans le cadre d’actions en indemnisation individuelles, soit dans le cadre d’actions collectives en indemnisation, telles que celles que nous avons l’habitude de mener partout en Europe avec le concours de sociétés de financement de litiges, de sorte que les hôteliers n’ont aucun frais à avancer.