Lieu cultivant par excellence proximité, simplicité et mixité sociale, les cafés et bistrots de village, sont, après la boulangerie, le commerce qui contribue le plus au lien social dans les communes de moins de 5 000 habitants, selon une enquête Ifop-France Boissons de 2016. “26 000 communes en France n’ont pas ou plus de cafés” et pourtant “80 % des ruraux souhaitent voir l’ouverture d’un café dans leur commune”, peut-on lire sur le site web de l’association 1000 cafés (Groupe SOS).
“ll s’agit du seul endroit où l’on peut se rendre, sans rendez-vous, à toute heure de la journée, pour rencontrer, discuter, échanger, autour d’un verre ou d’un plat, avec des personnes de tous horizons et tous âges. Un moyen spontané de prendre des nouvelles de la vie du village, de ce qui s’y passe et de ceux qui y vivent”, rappelle Pierre Boisard, sociologue, auteur notamment de La Vie de bistrot (PUF, 2016). Et, contrairement aux réseaux sociaux, dans un café-bistrot, on se confronte plus que virtuellement à d’autres points de vue que le sien.
La désertification des campagnes depuis les années 1970, l’explosion des supermarchés, l’émergence de nouvelles habitudes de consommation, les rythmes de travail plus intenses y compris dans le monde agricole, ont contribué à la raréfaction des cafés de village, qui pourtant, à l’image des pubs au Royaume-Uni ou des diners USA, nourrissent une portion de l’économie du pays, mais aussi de son patrimoine culturel. Face à cette évolution, Alain Fontaine, président de l’association Bistrots et Cafés de France (et en parallèle de l'Association française des maîtres restaurateurs), bataille d’ailleurs depuis 2018 pour faire reconnaître l’art de vivre dans les bistrots et cafés de France en tant que patrimoine culturel immatériel.
Projets de vie
Sur le terrain, des initiatives, comme celle de la labéliser gratuitement 40 nouveaux établissements répondant aux critères Bistrot de pays grâce à un partenariat inédit avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires. “Véritable gage de qualité valorisant notre image de marque, ce label, nous permet aussi de figurer dans le guide des Bistrots de pays, qui est une référence auprès d’un segment de notre clientèle”, témoignent David et Barbara Debris à la tête du bistrot Au coin de la baie à Grands Laviers une commune de moins de 500 habitants dans la Somme.
Conçu comme un véritable site de rencontres, Comm’une Opportunité, est, quant à elle, une jeune plateforme web permettant aux communes de se faire connaître auprès de porteurs de projets, “l’objectif étant de faire se rencontrer des projets de villes et des projets de vie”, précise Julie Lévêque, co-fondatrice. “Actuellement, sur 150 projets en ligne, un peu plus d’un tiers se déclarent être du secteur CHR”, poursuit-elle. Pour l’entrepreneure, il est primordial que la commune ait une véritable démarche d’attractivité. “Cela signifie avoir de la considération pour le porteur de projet, être à son écoute, lui faire rencontrer les bons interlocuteurs locaux…” Pour elle, cet aspect est essentiel et a fonctionné à La Guyonnière, une commune de 2 800 habitants située en Vendée. “Je cherchais à travailler, mon profil correspondait au besoin de la commune et j’ai été sélectionnée”, raconte Daisy Duquesnoy, qui avait déjà eu l’expérience de deux autres affaires à Lille (Nord) puis à Caussade (Tarn-et-Garonne). Le plus difficile ? “S’activer, innover pour donner envie aux clients de venir et de faire venir des amis tout en s’adaptant à la mentalité locale”, raconte celle qui organise régulièrement des soirées musicales pour animer ce lieu baptisé le Hall des artistes. Les soft skills indispensables ? “Douceur, sourire, discrétion, créativité et dynamisme”, confie-t-elle. Pour elle, une chose est sûre : tenir un bistrot et se contenter de servir des cafés est voué à l’échec.
Une grande amplitude horaire
Car, de nos jours, même s’ils sont encore appelés zincs, troquets, bistrots ou cafés de village, ces commerces de proximité sont en réalité multi-activités : tabac, presse, superette, petite restauration, épicerie, poste… tout dépend du territoire sur lequel ils sont implantés. Lionel Joulié, du cabinet Michel Simond Lot-Aveyron-Cantal-Corrèze, préfère d’ailleurs parler de “multiples ruraux”. Pour David et Barbara Debris, du bistrot Au coin de la baie, même si c’est l’activité restauration qui génère 90 % du chiffre d’affaire, celle-ci reste indissociable de l’activité café et épicerie. Philippe Marco, qui exploite le Bistrot de Riboux, labellisé Bistrot de pays, complète, lui, son offre de restauration avec la vente de produits du terroir, de première nécessité et de pain.
Mais si les cafés de village ont du mal à se transmettre, c’est aussi parce que, souvent, ils impliquent de grandes amplitudes horaires et que le chiffre d’affaires généré n’est pas toujours suffisant à lui seul pour faire vivre un gérant et sa famille. “Lorsqu’un café de village trouve preneur, c’est souvent après un long délai de mise sur le marché, et une reprise par un enfant du pays déjà pourvu d’un réseau relationnel local conséquent, et surtout qui n’a pas peur des amplitudes horaires”, souligne Pascal Henneuse, directeur du cabinet Michel Simond à Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor). “Parmi les arguments qui pèsent dans la prise de décision de l’acquéreur quand il s’agit de s’installer en zone rurale, ce sont les avantages fiscaux liés à uns implantation en zone ZRR”, complète Lionel Joulié, qui intervient notamment dans le Lot, zone classée ZRR.
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Publié par Tiphaine BEAUSSERON