“On achète les légumes à 0,4 € du kilo. À ce prix, ils sont non-conventionnels : tordus, moches, peu esthétiques, mal calibrés. Pour le porc, on se fournit à 5 € du kilo et le poisson entre 8 et 10 € du kilo. Il s’agit de tacaud, de dorade, de merlu ou d’aiglefin. Ce ne sont pas les parties les plus nobles, mais la fraîcheur et les qualités gustatives sont bien là. Il faut juste un peu d’imagination pour les cuisiner et les présenter”, liste Yannick Uguen, du restaurant Quai Ouest à Saint-Pol-de-Léon (Finistère). Le tarif de son menu (entrée, plat et dessert) a presque été divisé par deux, basculant de 21 à 12 €. “À ce prix, les clients se demandaient où était le loup. Ils sont venus vérifier la qualité et ils reviennent au point que mon chiffre d’affaires a augmenté d’un tiers depuis octobre dernier”, explique le chef.
Même son de cloche à la Maison gourmande située à Saint-Jean (Haute-Garonne), à côté de Toulouse. L’établissement propose un menu anti-inflation à 18 €, affiché sous cet intitulé, avec entrée, plat et dessert. La carte est courte, les plats sont les mêmes avec quelques suggestions. “On peut planifier les achats bien à l’avance, acheter au bon moment et jouer sur les volumes pour négocier avec nos fournisseurs, indiquent Marion Viguier, la directrice, et Pascal Gomel, le gérant. Les clients qui ne peuvent plus se permettre d’aller ailleurs se déportent chez nous. Nous servons en moyenne 80 couverts par jour. Le menu anti-inflation représente 80 % des commandes. En septembre, nous avons redouté quand nous avons baissé notre menu de 4 €. Mais le pari a été gagnant. Les chiffres parlent d’eux-mêmes puisque notre CA a augmenté de 35 % !”
Des prix et des plats d’appel
À Paris, dans un contexte lourdement inflationniste, Joëlle Moro, propriétaire avec son frère, Martial, du Bar fleuri (XIXe) a réussi à maintenir son poulet fermier servi avec des frites fraîches au prix incroyable de 6,86 €. Un beau coup de com d’abord, avec un ballet incessant de journalistes qui viennent, en espérant trouver une place libre, vérifier sur place. “C’est le même prix depuis 22 ans. Ce plat d’appel est plébiscité par nos clients qui se laissent aller sur le reste : les entrées, les boissons, les desserts”, explique la gérante. Ces prix hypnotisent les clients comme la presse étrangère. En novembre dernier, la BBC présentait les Relais routiers comme les meilleurs restaurants de France avec des menus authentiques et ‘sans chichis’ basés sur l’indemnité repas des routiers de 13,78 €. Un véritable mirage en pleine crise inflationniste avec des adresses qui ne désemplissent pas.
De même, l’offre de café à un euro au comptoir ne cède pas à l’inflation au point d’être toujours inventoriée dans une carte interactive de la ville de Paris. “Nous sommes les seuls dans le XVIe arrondissement à proposer le ‘petit noir’ à un euro. Nous ne gagnons rien dessus. Mais, c’est un instrument puissant d’attraction et de fidélisation. Nous sommes d’ailleurs toujours complet pour le déjeuner”, constate Bernard, le gérant du Macis.
Publié par Francois PONT
mardi 30 janvier 2024