Accepter la critique, refuser les abus et éviter les « bad buzz »
Déployer sa réputation sur Internet, c'est aussi prendre le risque, et accepter, de s'exposer à la critique.
Etre libre de s'exprimer ne signifie pas pour autant que l'on puisse dire tout et n'importe quoi : Si la liberté d'expression reste de mise, l'abus du droit de critique est sanctionné.
Or, la frontière entre la libre critique et les avis susceptibles d'être condamnés sur un plan civil ou pénal n'est pas toujours aisée à délimiter ce d'autant que le juge, dans son appréciation, prendra le plus souvent en compte la qualité de l'auteur de l'avis litigieux (simple consommateur ou journaliste professionnel) en privilégiant, pour le premier, la liberté d'expression.
C'est pourquoi, les professionnels doivent être accompagnés et conseillés dans le souci d'opter pour une réponse graduée et d'éviter, par la même, l'effet dit « Streisand », phénomène internet qui se manifeste par une augmentation considérable de la diffusion d'un contenu que l'on cherchait initialement à censurer.
Quelle « boite à outils » pour les professionnels ?
La pratique des faux avis constitue une pratique commerciale déloyale et trompeuse au sens des articles L. 120-1 et 121-1 du Code de la consommation, à savoir une pratique commerciale contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qui altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
C'est d'ailleurs sur ce fondement que le Tribunal de grande instance de Paris a condamné le 20 juin 2014 une société gestionnaire d'un site d'avis à 7.000 euros d'amende et son gérant à 3.000 euros, pour avoir rédigé et publié de faux avis de consommateurs.
Les avis diffamatoires ou injurieux pourront quant à eux être supprimés sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, étant précisé que la diffamation correspond à l'allégation ou l'imputation, d'un fait précis et non avéré, portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne physique ou morale déterminée ou déterminable et que l'injure vise toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait.
Il sera toutefois, dans les deux cas, nécessaire d'agir vite, la répression des délits de presse étant enfermée dans un délai de prescription extrêmement court de trois mois à compter de la publication.
Les avis dénigrants qui, à la différence de la diffamation et de l'injure, concernent uniquement un produit ou un service, pourront, pour leur part, être sanctionnés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
Obtenir la suppression d'un avis illicite auprès de l'hébergeur
Pour obtenir la suppression d'un avis illicite diffusé sur internet, la première démarche consiste à signaler ce contenu au site qui le relaie en ayant recours aux dispositions de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance en l'économie numérique.
Cette loi, tout en posant le principe d'une responsabilité allégée et « a posteriori » des hébergeurs, a instauré une procédure de notification aux hébergeurs de contenus illicites.
Ainsi, si les hébergeurs ne sont pas soumis à une obligation générale de surveillance des contenus qu'ils stockent, leur responsabilité pourra être engagée si, dès le moment où ils ont eu connaissance de leur caractère illicite, ils n'ont pas agi promptement pour les retirer.
Notons toutefois que la victime devra observer scrupuleusement le formalisme rigoureux imposé par la loi.
Les professionnels devront donc veiller à se faire assister dans de telles démarches ce d'autant, que l'abus de l'envoi d'une notification de retrait de contenus illicites est sanctionné pénalement par un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende.
Identifier l'auteur des contributions
Afin de faciliter l'identification des auteurs d'une infraction, la loi sur la confiance en l'économie numérique impose aux fournisseurs d'accès à internet et hébergeurs, de conserver les données « de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont elles sont prestataires ».
L'autorité judiciaire peut ainsi requérir la communication de ces données soit à la demande d'un tiers (via une action en référé ou une ordonnance sur requête), soit dans le cadre d'une enquête judiciaire menée par les services de police ou de gendarmerie.
Vers un nouvel encadrement juridique ?
Le projet de loi d'Axelle Lemaire « pour une République numérique », en son article 21, prévoit à la charge des responsables de plateformes d'avis de consommateurs une obligation d'information renforcée, notamment sur l'existence ou non d'une vérification des avis et le cas échéant des modalités d'un tel contrôle.
Publié par Aurélie Klein et Claire Cambernon (Avocates Cabinet Coblence & Associés)
mardi 8 décembre 2015