Vous êtes meilleur ouvrier de France promotion 2004 et étoilé Michelin, quelle était votre motivation pour tenter le Bocuse d’Or ?
J’y suis allé pour la France. J’en avais assez que les pays scandinaves nous rigolent au nez. C’était aussi une remise en question. Je suis un sportif. Les entraînements, la remise en question, la performance, c’est ce qui m’intéresse. On se demande « de quoi es-tu capable ? ». D’autant plus, près de 20 après mon titre de MOF. Le col bleu-blanc-rouge, ce sont aussi des valeurs comme la transmission et le partage qui sont importantes pour moi. Nous devons arriver à emmener des jeunes dans cette aventure. Il nous faut aussi lancer une équipe junior. Ils sont l’avenir. Pour toutes ces raisons, il fallait que j’y aille.
Comment avez-vous vécu la victoire ?
Quand j’entends mon nom, c’est la libération ! C’est énorme ! J’étais heureux déjà en tant que Français, et bien sûr en tant que Lyonnais. Ramener « Monsieur Paul » à la maison, j’en ai rêvé pendant 20 ans. C’était ma première maison et le chef qui m’a inspiré. A la fin du concours, quand j’ai envoyé le plateau, j’ai eu le sentiment d’un travail bien fait. Et c’était le plus important. J’étais content du travail accompli avec Arthur Debray (commis), qui a été grand ce jour-là comme notre coach Yohann Chapuis (restaurant Greuze à Tournus - 71). Une belle cohésion avec toute l’équipe, y compris ceux qui ont travaillé la nuit, qui ont préparé les herbes, les pesées, chargé les camions… J’ai toujours dit : c’est un Bocuse d’Or pour la France. Au-delà de la victoire, j’ai passé un super concours. Tout le monde a été génial. De voir les jeunes avec les yeux qui brillent et la joie des gens qui me félicitent même dans la rue, c’est formidable.
Pendant le concours, avez-vous connu des aléas ?
A l’entraînement, on avait des plaques dans notre cellule. Or le four a dû être changé puisque les plaques ne rentraient plus le jour du concours. Alors on respire et on trouve la solution. Cela fait partie des concours. Le jour J, c’est 80% de travail et 20% de chance. Une autre anecdote, à 4 h du matin le jour du concours, le camion n’a pas démarré. Il n’avait plus de jus. Il a fallu le pousser pour le redémarrer. Je ne l’ai dit à personne avant la fin du concours. Je préviendrai le prochain candidat : « n’oublie pas de faire tourner ton camion ». Maintenant on en rigole. Le principal, c’est de toujours relever la tête et d’avancer.
Quels sont vos projets ?
Retrouver l’Institut Paul Bocuse à Ecully dont j’ai eu l’entier soutien pour préparer le concours, avec des locaux, un box à l’identique de celui du Sirha, une équipe avec notamment des jeunes qui pourraient aussi devenir candidats. Avec la Team France, nous avons créé un modèle de conception et d’accompagnement du candidat. Le fait d’avoir gagné prouve que le modèle fonctionne. On va avoir le soutien de l’Etat comme dans les pays nordiques. Nous misons sur le lancement du centre d’excellence des arts de la table le plus tôt possible.
Un conseil pour le prochain candidat français au Bocuse d’or qui sera désigné fin novembre ?
Il faut penser que rien n’est acquis. Travailler. C’est un engagement jusqu’au bout. Quand on veut représenter notre pays, c’est comme pour les joueurs de foot de l’équipe de France, il faut aller au bout de son engagement. Il y a des hauts et des bas, des moments de doute, mais il faut persévérer et la victoire n’en est que plus belle. Des chefs sont venus me voir pour me dire : « tu m’as fait pleurer ». On se dit que les gens ont vécu cette aventure avec nous et qu’on leur a fait plaisir. Quand je fais la cuisine, c’est aussi pour faire plaisir. Ce concours a été magique.
Davy Tissot Bocuse d'Or Gastronomie TeamFrance
Publié par Nadine LEMOINE