Ils ont à la fois la délicatesse de ceux qui pratiquent le service à la française en habits et gants blancs dans les lieux parisiens les plus prestigieux et le côté baroudeur de ceux qui contribuent à l'organisation ponctuelle de dîners pour de hautes personnalités dans des régions aussi éloignées qu'improbables. Ces professionnels - qui exercent habituellement leur métier de cuisinier, sommelier ou maître d'hôtel dans des maisons bourgeoises ou de grandes administrations - sont soumis à une règle immuable : la discrétion. C'est donc sous le sceau de l'anonymat qu'Antoine (le prénom a été changé), l'un des hôteliers sans frontières de For Events, nous confiera avoir été le maître d'hôtel d'un grand patron du CAC 40 et avoir servi la table à l'occasion de nombreux dîners d'État en France.
Trois semaines pour former 150 Congolais
Le quinquagénaire au flegme déroutant était donc l'un des membres du contingent professoral envoyé à Kinshasa en octobre dernier à la demande des autorités congolaises pour former 150 Kinois aux métiers de la cuisine et du service. L'objectif était que ces jeunes soient aptes à accueillir et servir les personnalités invitées au 14e Sommet de la francophonie. "Nos élèves étaient surtout des jeunes hôtelières sélectionnées auprès des services de l'intendance de la présidence et des grands restaurants de Kinshasa", explique Antoine, un habitué des opérations en terre inconnue. "J'ai participé à l'organisation de réceptions officielles en Guinée équatoriale pendant les sommets de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale. Lors d'un repas organisé pour le président Téodoro Obiang Nguema dans sa région natale de Mongomo, nous avions dû convoyer par des pistes 40 tonnes de matériel livré par la société française Options. L'aérodrome de Mongomo ne permettait pas aux avions d'atterrir", se souvient le maître d'hôtel.
À Kinshasa, les formateurs français prennent en main les 150 stagiaires dès leur arrivée. "Pour nos cours, nous avons occupé pendant les vingt-et-un jours qui précédaient l'événement une grande structure montée devant le palais présidentiel où allait se dérouler le dîner d'État, le soir de la clôture du sommet, explique le professeur. Après trois jours de tronc commun sur l'éthique, l'hygiène et la sécurité, nous avons ventilé les élèves dans leur spécialité : oenologie, cuisine, hébergement et restaurant. J'enseignais les règles du service à table. Parmi mes élèves, une jeune fille, Odette, était capable de réaliser 60 pliages de serviettes différents. Même en France, je n'ai jamais trouvé mieux ! Nous devions sensibiliser les stagiaires aux règles protocolaires. Les élèves ont aussi été coachées par des coiffeurs et des couturiers pour avoir une tenue irréprochable."
"La fin du stage a été sanctionnée par un diplôme que l'ambassadeur de France a remis en personne. Pour être resté en contact avec mes élèves, je sais que certaines ont été promues manager dans des établissements kinois de renom grâce à cette expérience", ajoute Antoine avant de conclure : "Ce n'était pas prévu mais les autorités nous ont demandé de rester pour encadrer deux repas importants : un déjeuner de 90 personnes pour le secrétaire général de la francophonie, Abdou Diouf, et le dîner officiel du sommet, un repas de 700 personnes servi dans la structure où nous avions formé nos élèves. En concertation avec mes collègues, nous avons proposé les menus et conseillé les vins à partir de ceux présents dans la cave présidentielle. Deux sociétés kinoises, le Cercle gourmand et le Cafconc, ont préparé ces repas avec le professionnalisme de grands traiteurs parisiens." Impossible de connaître le montant des émoluments de ces mercenaires de la restauration, tout juste saurons-nous que de prochaines cessions de formation sont programmées, en Afrique et ailleurs.
Publié par Francois PONT