Des repas étoilés pour des malades du cancer

Les plats servis à l'hôpital sont souvent peu appréciés par les malades. Oui, mais ça, c'était avant que des chefs ne s'en mêlent. Des collaborations entre établissements hospitaliers et chefs étoilés ont vu le jour et permettent de changer la donne.

Publié le 05 mai 2021 à 16:05


À l’hôpital, le repas est un temps fort de la journée mais les plateaux, s’ils sont irréprochables du point de vue diététique et de la sécurité sanitaire, manquent souvent de couleur et de saveur. Sans compter les traitements, notamment la chimiothérapie, qui modifient souvent le sens du goût. Entre 30 et 40 % des malades du cancer seraient dénutris. L’idée de proposer des plats étoilés a donc de quoi séduire soignants et prestataires. Encore trop rares, plusieurs initiatives ont vu le jour.

À l’institut Gustave Roussy à Villejuif (Val-de -Marne), la société de restauration collective Elior a demandé à Alexandre Bourdas, chef du SaQuaNa à Honfleur (Calvados), d’imaginer une quarantaine de recettes destinées à redonner l’envie de manger aux malades. Cinq ans plus tard, ces menus sont désormais proposés trois fois par semaine, sans supplément. À Rouen (Seine-Maritime), c’est Olivier Da Silva, du restaurant l’Odas, qui a été contacté par Elior pour élaborer des menus à destination du service ambulatoire de l’institut Becquerel. Ces menus étoilés seront généralisés cette année à l’ensemble de l’hôpital, au moins une fois par semaine.

Un autre évènement est l’opération Journées gourmandes Toques and Truck, organisée depuis 2016 par l’association Tous contre le cancer, dans toute la France. Financée par des dons en nature et des mécènes, et appuyée par une équipe de quatre permanents dont la chef Elodie Hué, la journée se déroule en trois temps : un brunch organisé pour les soignants, un repas servi et préparé par un chef local aux patients et à leur famille et un atelier culinaire auquel les malades prennent part. Plusieurs grands chefs, comme Alain Passard, Yves Camdeborde, David Gallienne ou encore Benjamin Brial, y participent bénévolement.

 

Partager une forte motivation

La restauration collective, les repas de l’hôpital et la cuisine de chef n’étant pas soumis aux mêmes contraintes, la réussite d’une collaboration avec l’hôpital nécessite une volonté du prestataire et une forte implication des chefs. Dans le cas du centre Becquerel de Rouen, l’étincelle s’est produite grâce à Elior qui voulait élargir sa prestation. De son côté, le chef Olivier Da Silva avait été confronté au cancer dans sa famille. Quant au chef des cuisines de Becquerel, Antonio Stracquadaino, cet Italien et ancien chef au Club Med a tout de suite été séduit par le challenge.

“Après une chimio, le sens du goût se modifie pour beaucoup de malades, note Olivier Da Silva. La viande rouge, les épinards ont une saveur de fer. Les aliments acides, les textures gélatineuses, les goûts trop forts ne conviennent pas en raison des infections très fréquentes de la bouche. De plus, en ambulatoire, les plats sont froids. J’ai proposé des sauces et bouillons en thermos à arroser au dernier moment pour réchauffer les plats.” 

 

Mobiliser le personnel

Une autre clé du succès réside dans la collaboration du personnel. Dans l’opération Toques en Truck, un référent est désigné pour chaque hôpital : cadre de santé, nutritionniste… “Je leur fais passer un dossier explicatif avec la communication, les fiches techniques et toutes les données utiles pour les diététiciens et la sécurité, explique Lucile Cornier, permanente de l’association Tous contre le cancer. Les responsables seront aussi conviés pour participer pendant la journée. Résultat ? On a bien plus de demandes que de possibilités !”

Olivier Da Silva ajoute : “J’ai aussi demandé à ce que les aides-soignantes participent au comité de dégustationCe sont elles qui serviront et expliqueront les plats, et même poseront une tuile sur le dessert. Et elles recueilleront l’avis des malades au moment du débarrassage.”

En pratique, le chef propose les menus qui sont ensuite validés par le chef des cuisines, agréés par les nutritionnistes, afin de respecter les contraintes en matière d’ingrédients, d’hygiène et de cuisson. Après quelques éventuels ajustements, le chef rédigera les fiches techniques puis participera aux essais et aux premières préparations. L’essentiel pour réussir et pour durer étant la régularité dans les approvisionnements et la qualité.

 

#AlexandreBourdas# #OlivierDaSilva# David Gallienne #ToquesenTruck#


Publié par Pour Aletheia Press, Agnès Guillaumin



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