Cela devient une fâcheuse habitude, lorsque des rassemblements publics dégénèrent, ce sont, entre autres, les cafetiers et restaurateurs qui en font les frais. En mai 2013, le café Kleber ou encore le White café avaient été vandalisés lors de la fête avortée pour célébrer le trophée du PSG, place du Trocadéro (Paris, XVIe). Qu'ils se trouvent simplement sur le trajet d'une manifestation qui tourne mal, qu'ils détiennent des produits recherchés par les casseurs (tabac, alcool…) ou simplement du mobilier en terrasse qui servira de projectile, les restaurateurs ont bien des raisons de redouter ces rassemblements.
"J'ai assisté au pillage sans rien pouvoir faire"
"J'ai assisté en direct à la mise à sac de l'entreprise familiale que je dirige à Sarcelles depuis treize ans", sanglote Bernard Yakan, gérant du café-brasserie-tabac le Régence. Le dimanche 20 juillet à 14 heures et "comme tous les dimanches", Bernard Yakan ferme son établissement de la rue du 8 Mai 1945. Tout est calme. À 18 heures, les alarmes volumétriques se déclenchent les unes après les autres. Le patron consulte alors, à partir de son domicile, les images de vidéosurveillance. "Des dizaines de personnes entraient par grappes dans mon établissement, le visage même pas dissimulé. Tout a été volé : cartouches de cigarettes, ordinateurs, boisson, même les timbres ! Le mobilier et les murs ont été vandalisés, les becs des pompes à bière brisés, les caisses enregistreuses ont été retrouvées à des centaines de mètres. Le plus choquant c'est que pendant le pillage, des vandales ont installé une terrasse avec mes tables rondes, face au café, sur la plateforme du tramway. Ils buvaient, hilares, les boissons volées. J'ai appelé le commissariat de Sarcelles mais le standard avait sauté alors j'ai composé le 17. C'est police-secours de Cergy qui m'a répondu. Ils étaient débordés alors, pendant trente minutes, j'ai assisté au pillage sans rien pouvoir faire. Je négocie avec les assurances qui reconnaissent le vol mais c'est plus difficile pour le vandalisme. Huit personnes sont au chômage", détaille le restaurateur.
Un serveur molesté à Barbès
La veille, le 19 juillet, à Barbès (Paris, XVIIIe), les cafetiers et restaurateurs ont eu chaud mais ont été relativement épargnés. "Ils en avaient après les CRS mais pas après nous", explique Thibault Bocquillon, serveur au Café du commerce, situé rue de Clignancourt et dont le gérant est Cédric Orriere . "Nous avons vite senti que cela allait mal finir. La police ne nous a donné aucune consigne. En quinze minutes, nous avons fermé l'établissement avec clients et personnel à l'intérieur. Les gaz lacrymogènes empêchaient toute sortie. L'un de nos serveurs a été molesté au métro Barbès. C'est la police qui l'a sauvé. Des manifestants s'en sont pris à nous car nous avons refusé de donner des bouteilles dont ils voulaient se servir de projectile. Des vitres ont été cassées", ajoute-t-il.
Un peu plus haut dans la rue de Clignancourt, sur la route du commissariat central du XVIIIe visé par les manifestants, les trois bars au carrefour de la rue Muller ont fermé en cinq minutes car ils n'avaient pas de terrasses à rentrer. "Elles ont été interdites à cause du bruit", explique le barman du Troquet. Le Quick du carrefour Barbès a été touché par des projectiles car la police a pris position devant l'établissement. "La priorité du restaurant a été de préserver la sécurité de ses équipes et des clients. Pour cette raison, le responsable a décidé de fermer les portes dès le début des incidents jusqu'au lendemain", explique Valérie Raynal, directrice de la communication de l'enseigne. En face, la brasserie en chantier de Pierre Moussié et Jean Vedreine a été envahie par les manifestants.
Publié par Francois PONT