La gastronomie française s'exporte à Taïwan

Taiwan Malgré les tensions avec sa voisine continentale, la République de Chine attire les chefs français, qui y font rayonner la cuisine tricolore. Reportage et retours d’expérience.

Publié le 16 novembre 2023 à 11:30

La galaxie des restaurateurs français expatriés à Taïwan est toujours en expansion. À Taipei comme ailleurs, les chefs bleu-blanc-rouge ont la cote. Dans la capitale insulaire qui regroupe 7 des 24 millions d’habitants que compte la République de Chine, Gildas Périn est chef au Clover Bellavitta, le restaurant gastronomique de Jean-François Piège. Avec sa brigade d’une douzaine de personnes, le restaurant très haut de gamme, est logé au quatrième étage d’un centre commercial luxueux du centre-ville.

 

Employés locaux

À la carte, huîtres (taïwanaises), caviar sur lit de concombre, gelée de saumon… Le personnel est local, en salle comme en cuisine. “La politique migratoire de Taïwan n’est pas très ouverte, explique le chef. C’est assez difficile de s’expatrier ici. Le salaire minimum fixé pour employer un expatrié, c’est 48 000 dollars taïwanais (DT) par mois.” À titre de comparaison, les Taïwanais ont un salaire minimum d’environ 1 500 DT, l’équivalent de 500 €. Résultat : “En dépit de l’existence de nombreux restaurants français, il est difficile d’attirer des compatriotes pour y travailler. Seule solution : former les locaux. Notre sous-chef, pâtissier, a fait l’école Ferrandi, un autre est passé chez Ducasse, nous les avons envoyés tous les deux en France”, ajoute-t-il.

Même situation pour Benjamin Fleury et Laurent Lapôtre, qui font la paire à Taichung (2,8 millions d’habitants) au centre-ouest de l’île, à 160 km de Taipei. Le premier est Malouin, le second Wallon. Ils se sont rencontrés entre l’Australie et l’Indonésie et, ensemble, ils ont repris le Gullu’s House, un ‘French bistrot’ en centre-ville. Dans leur établissement, comme dans la plupart des petites entreprises de Taïwan, les contrats sont verbaux : “Nous nous mettons d’accord devant témoin, nous payons l’assurance santé et, parfois, l’assurance travail... C’est tout. La relation est familiale avec les salariés, tout le monde tire dans le même sens”, affirment les associés. Pour l’établissement, la grande saison s’écoule d’octobre à février où le nouvel an chinois permet de fermer quelques jours. “Tout le monde prend ses vacances à ce moment-là ; les gens sont très famille-campagne”, souligne Laurent Lapôtre.

 

Produits français, habitudes locales

Revenu l’an dernier, après trois ans passés chez Hôtel S et le groupe émirati Orchid, Gildas Périn note des changements : “La scène gastronomique a évolué à une vitesse folle avec beaucoup d’ouvertures d’établissements français. En parallèle, la mentalité taïwanaise a évolué, il faut trouver les bons codes pour assurer un équilibre.” Par exemple, le bœuf est incontournable. C’est le symbole d’un certain statut social”, constate Gildas Périn. Il note aussi de bonnes surprises comme le lapin, également apprécié. “Nos clients sont des curieux”, remarque-t-il. Le Clover Bellavitta s’adapte donc aux us du pays. Ses clients utilisent des assiettes de partage. “Cela se fait, ici. Il faut faire plaisir aux clients sans laisser tomber notre identité. Les private rooms sont aussi incontournables, c’est là que se déroulent les fêtes familiales.”

En cuisine, une entrée est prête : œuf sur cendre sur son lit de champignons... locaux ? “Les pleurotes poussent aussi à Taïwan, confirme Gildas Périn. Mais les morilles viennent de France. Les champignons sont poêlés à l’ail et à la ciboulette, et accompagnés d’un riesling en vendanges tardives.” Une grosse partie des produits sont importés de France, au besoin par avion, comme pour les moules. La règle est la même au Gullu’s House : beurre, fromages, moules, huîtres, vins, eaux minérales… “Pour la viande, impossible d’avoir du bœuf de France, tempèrent Benjamin Fleury et Laurent Lapôtre. Il provient donc de Nouvelle-Zélande. Nous cuisinons aussi des cochons noirs élevés dans le sud de l’île. Avec les fournisseurs, nous avons payé à livraison au début. Et puis, la confiance venant, nous payons désormais tous les mois.”

 

Une administration souple

Côté charges, les dirigeants du Gullu’s détaillent leur situation. “Notre rue a des loyers convenables, autour de 800 € par mois. Sur les boulevards, cela monte à 4 000 €… Il vaut mieux compter sur la notoriété”, égrène Benjamin Fleury. Le coût d’exploitation paraît dérisoire devant les tarifs pratiqués en France : “Nous payons 400 € d’électricité par mois l’été, quand tous les équipements tournent sept jours sur sept… L’eau ne coûte rien, 60 € par mois”, abondent Benjamin Fleury et Laurent Lapôtre.

Coté administration, l’ambiance est paisible : “Ici, les services administratifs préviennent avant de frapper à la porte. Nous avons eu quelques contrôles avec des délais pour nous mettre en conformité, notamment concernant une assurance et une visite médicale pour les employés.” Toutes les entreprises dépassant un certain chiffre d’affaires, sont assujetties à une comptabilité officielle avec une facturation où une TVA de 5 % s’applique. “Nous pouvons choisir le rythme de paiement des taxes, c’est un système plutôt souple”, constatent-ils.


Publié par Pour Aletheia Press, Morgan Railane



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