En votant le 11 juillet dernier la mise en place d'un salaire minimum de 8,50 € bruts dès le 1er janvier 2015 (et en 2017 pour ceux où existent des accords de branche, ce qui est le cas pour 41 % des CHR outre-Rhin), le Sénat allemand a entériné l'une des mesures phare du Gouvernement de coalition d'Angela Merkel. Cette loi aura des conséquences sur la branche des CHR, qui figure parmi les secteurs aux rémunérations les plus faibles. Représentants des salariés et des employeurs du secteur donnent leur vision des conséquences de cette mesure.
Karin Vladimirov, porte-parole du syndicat NGG, représentant les salariés de la branche hôtellerie-restauration
"Cette loi est pour nous une pierre angulaire. La branche souffre d'une image négative, notamment parce que les rémunérations y sont très faibles. Le salaire minimum est un facteur permettant d'améliorer cette image : une limite au dumping salarial a été fixée.
Il faut néanmoins rappeler que dans la branche des CHR en Allemagne, il n'existe pas d'unité fédérale : chaque Land signe son propre accord tarifaire. Dans certains d'entre eux, les salaires conventionnels sont supérieurs à 8,50 €, tandis que dans d'autres, particulièrement à l'Est, les salaires sont inférieurs à cette limite. Avec cette loi, les employeurs devront les payer 8,50 €. Mais Dehoga [le syndicat patronal, NDLR] a cherché avec insistance à créer des dérogations pour plusieurs catégories, comme les moins de 18 ans… Par ailleurs, le salaire minimum ne s'applique pas pour un certain de nombre de travailleurs saisonniers.
Néanmoins, dans la branche, le problème n'est pas seulement lié aux salaires. La moitié des personnes en formation, qu'elles travaillent dans la restauration ou dans l'hôtellerie, arrêtent avant la fin de leur apprentissage. Cela pose la question de la qualité de la formation, parce que les apprentis y sont notamment souvent traités moins comme des jeunes que l'on initie à un métier que comme une main d'oeuvre bon marché."
Christopher Lück, porte-parole de Dehoga, syndicat représentant les employeurs du secteur des CHR
"Pour nous, l'instauration d'un salaire minimum représente une immense expérimentation en matière de politique de l'emploi. L'hôtellerie-restauration est un secteur où la part des coûts de personnel varie de 25 % à 40 %. Cette mesure pèsera sans aucun doute sur la santé financière de nos entreprises.
Le danger concerne avant tous les petites et moyennes entreprises dans certaines régions qui connaissent des faiblesses structurelles, particulièrement dans l'Est de l'Allemagne. Pour elles, le coût du travail va augmenter de 20 %. De ce fait, cette situation débouchera sur des pertes d'emploi sèches et des fermetures d'établissements, dont l'ampleur reste impossible à déterminer.
Le secteur a fait ses preuves au cours des dix dernières années en tant que moteur économique : plus de 170 000 nouveaux salariés, soit une hausse de 22,6 %. En ex-Allemagne de l'Est, un emploi créé sur quatre relève du secteur des CHR. Nous sommes convaincus que le salaire minimum constitue un risque pour cette évolution. La question du salaire ne représente qu'une facette du problème. La branche doit encore faire progresser son énorme attractivité pour les jeunes. Nos entreprises ne sont pas délocalisables. Et chacun peut y évoluer et gravir les échelons.
Par ailleurs, l'application dès 18 ans du salaire minimum est une erreur, notamment à l'égard des notre système de formation. Salaire minimum et rémunération des apprentis vont entrer en conflit. Quand la rémunération obligatoire pour des tâches simples ne demandant pas de qualification sera fixée à plus de 1 400 € par mois, il y aura une incitation négative à ne plus prendre d'apprentis."
Publié par Propos recueillis par Gilles Bouvaist
vendredi 18 juillet 2014