Où loger les
réfugiés outre-Rhin ? Alors que plus d'un million de personnes ont traversé les
frontières allemandes en 2015, la question des lieux d'hébergement est devenue
d'une acuité brûlante : anciennes casernes ou salles de sport, 'villages' de
containers entassés les uns sur les autres, particuliers proposant une chambre
à leur domicile… Tous les logements disponibles sont étudiés afin d'abriter les
demandeurs d'asile.
Pourquoi pas, dans ces conditions, un hôtel pour refuge ? C'est
le pari qu'a pris l'hôtel Cosmopolis, installé dans une ancienne maison de
retraite dans la ville d'Augsbourg, dans la Souabe bavaroise, au sud-ouest du
pays. Ici, on n'a pas attendu la crise migratoire : le lieu a ouvert ses
portes en 2013.
Dans cet
établissement, qui appartient au diocèse de la ville, sur une surface totale de
2 600 m2 répartie sur cinq étages, 12 chambres sont dédiées à l'hôtellerie
(une auberge de jeunesse de 20 lits occupe également le rez-de-chaussée) tandis
que 9 chambres doubles permettent de loger 60 réfugiés - les
propriétaires de l'établissement préfèrent qualifier ces derniers de "clients de l'hôtel
avec asile".
Si la partie du bâtiment qui leur est réservée est louée et gérée par l'administration
locale pour le compte de l'État-région bavarois, ceux-ci partagent les lieux de
vie de l'hôtel avec les hôtes de passage… En particulier le grand lobby, où se
mélangent les deux mondes, entre plasticiens, touristes suédois et familles
syriennes ou tchétchènes.
Utopie
L'idée de cette
utopie est né en septembre 2011 au sein d'un groupe d'artistes - ici on
parle au nom du collectif, par ailleurs regroupé en association. Dans un
manifeste exposant la philosophie de l'établissement, ses créateurs ne s'en
cachent pas : "Le Grand Hotel Cosmopolis n'est pas un hôtel comme
les autres et ne cherche pas à l'être. Il s'agit d'un lieu dans lequel se
croise un centre d'hébergement, des ateliers et des espaces de travail ouverts,
mais aussi un établissement hôtelier proposant à la fois une offre
gastronomique et culturelle."
Une petite utopie qui, entre un café-bar et une
cuisine commune (un restaurant est en cours d'élaboration), propose aussi bien
des cours de fabrications de cerfs-volants que des expositions photographiques
ou des concerts. Une équipe d'une vingtaine de personnes, toutes volontaires, à
l'exception de quelques emplois à courte durée, gère le lieu, mais chacun met
la main à la pâte, y compris les demandeurs d'asile. Dans les étages, les
artistes vont et viennent dans leurs ateliers.
Les meubles, du
sofa Thomas Chippendale aux horloges indiquant l'heure qu'il est à Gaza ou à
Manille, proviennent de dons et ont été recyclés. Autre particularité, c'est au
client d'évaluer lui-même le prix de sa nuitée (pour une somme minimale de 60 €
par chambre double). Chacune d'entre elles est une création artistique, aux
vastes fresques murales et à la décoration unique. Le concept fait son
chemin : un représentant du consulat américain s'est même rendu sur place
au printemps dernier pour étudier de plus près les solutions du Cosmopolis.
Publié par Gilles BOUVAIST