“Si ça avait été pour un an, je n’aurais jamais pu me faire remplacer dans mon restaurant, mais là c’est juste pour deux mois et demi”, espère Patrick Rebourg, qui a dû trouver un suppléant le temps de la campagne électorale pour les municipales parisiennes. “C’est Cédric Villani qui est venu me chercher. Nous n’en avons jamais parlé mais je pense qu’on lui a glissé trois ou quatre noms de gens qui avaient des engagements sur le terrain, dans le XIIe arrondissement, proches de l’idée qu’il se fait de ce que devrait être Paris : une ville apaisée. J’ai hésité à le suivre. Nous avons parlé pendant des heures. J’ai accepté. Cédric Villani n’est pas une personnalité clivante. Il vient de la société civile. Mais je me suis inquiété pour mon activité. La Coulée douce fut dans le passé un QG du RPR [Rassemblement pour la République, parti fondé par Jacques Chirac en 1976, NDLR] mais accueille aujourd’hui beaucoup d’écologistes. Je n’ai jamais eu d’étiquette. Pourtant, quelques clients viennent moins, des socialistes par exemple, mais je pense qu’ils seront de retour après les élections”, tente celui qui mit fin à une brillante carrière de cadre dans une grande société informatique pour se lancer dans la restauration en 2007.
“Le goût des autres”
“Je voulais donner du sens à ma vie, avoir une activité qui permette d’être proche des gens”, ajoute l’ancien pompier volontaire qui a dû déposer onze dossiers de demande de crédit pour parvenir à racheter La Coulée douce. “Mon business plan était titré ‘Le goût des autres’. Les banques n’ont pas été des partenaires. Elles considéraient que je n’étais pas du métier. Les débuts furent difficiles. L’affaire que je reprenais était en déshérence. Avec le temps, je pense être devenu une balise dans le quartier. J’ai organisé un carnaval avec les écoles, des vide-greniers, des actions avec l’hôpital Trousseau voisin, des repas de 100 personnes dans la rue…”, liste-t-il.
La rue du Sahel porte bien son nom, c’est un désert ! La Coulée douce anime cette petite artère sans commerces, abandonnée à l’écart des grandes avenues du XIIe. “J’organise une fois par mois des cafés mathématiques. Cela a stupéfié Cédric Villani la première fois qu’il est venu. Il décryptait les formules de math peintes sur le mur”, s’amuse l’entrepreneur.
Un restaurateur sera-t-il le prochain maire du XIIe ?
“J’ai ouvert la cuisine en 2009. Elle est devenue la ressource principale de l’entreprise avec une trentaine de couverts. Un gérant me remplace désormais le temps de la campagne, mais aujourd’hui je suis venu faire la cuisine car mon chef est malade. Je n’ai plus de revenus, plus de salaire et je passe mon temps à faire des réunions et boire des cafés chez les confrères, car la loi ne m’autorise pas à utiliser mon entreprise pour la campagne”, ajoute le restaurateur.
Avec son épicerie, ses animations perpétuelles, son point de collecte de paniers bio et sa clientèle populaire, la Coulée douce est un programme à elle seule. “Je me suis engagé car les gens doivent se rencontrer, se parler. Pour les commerces, en particulier la restauration et les cafetiers que je connais bien, il faut que cesse la politique du carnet à souches : apaiser plutôt que verbaliser”, résume, avec sa voix douce, Patrick Rebourg, un novice en politique qui ne se fait pas d’illusions sur les petits coups bas d’une campagne : “On a voulu me prendre en photo avec un militant d’une liste adverse. Peut-être un piège. Sans doute faut-il passer par là mais moi ce que je veux c’est juste améliorer la vie des gens. L’engagement politique pour un restaurateur n’est pas sans risques, d’abord sur la fréquentation de son établissement mais encore plus sur ses ressources. Ce sont d’importants sacrifices.” Un constat qui prend un sens particulier, alors que le Fouquet’s et, peut-être depuis samedi 18 janvier, la Rotonde payent le prix fort pour être associés à l’image d’un homme politique.
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Publié par Francois PONT