Les nouvelles dispositions de la loi Pinel du 18 juin 2014 créent un droit de préemption du locataire en cas de cession d’un local à usage commercial intervenant à compter du 1er décembre 2014. Ainsi, le propriétaire qui envisage de vendre un local commercial doit en informer le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, sous peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire.
Le locataire dispose d’un délai d’un mois pour se prononcer. S’il accepte l’offre de vente, le locataire dispose d’un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, son acceptation est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à 4 mois. Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est sans effet.
Si le locataire refuse l’offre de vente et que le bailleur décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, une seconde notification doit être faite au locataire, dans les mêmes conditions que la première.
Le bail commercial constaté par un écrit et dont la date est certaine se poursuit avec l’acquéreur du bien, qui sera substitué au bailleur avec lequel le bail avait été conclu. Pour le locataire, le bail continue aux mêmes clauses et conditions avec ce nouveau bailleur.
Mais pour que la question se pose, il faut évidemment que les murs soient à vendre, qu’un loyer soit déjà payé par l’exploitation que vous allez racheter, et que l’achat soit intégré dans une stratégie personnelle.
► Le loyer et l’exploitation
- Le loyer est l’indicateur principal de la valeur locative d’un immeuble. Il permet de déterminer la valeur des murs en considérant un taux de rentabilité de l’ordre de 8 %. En divisant le montant annuel HT du loyer par une valeur de 8 %, on obtient une valeur des murs.
Exemple : pour un loyer de 5 000 € HT mensuel, la valeur de l’immeuble pourra se calculer ainsi : (5 000 × 12) ÷ 8 % = 750 000 €. Il s’agit ici d’une première estimation qui sera complétée par la prise en compte de plusieurs critères comme l’emplacement, l’état général, les obligations du bail imposées au locataire…
Le banquier est rassuré quand un loyer apparaît dans le compte de résultat de l’exploitation, car il s’agit d’une charge déjà assumée qui ne modifie pas les résultats. Le loyer assure donc le paiement du prêt consenti pour l’achat des murs.
Si aucun loyer n’est payé par l’exploitation, la valeur locative peut être estimée en utilisant la méthode hôtelière. Elle permet de calculer une valeur d’occupation d’un immeuble monovalent, c’est-à-dire dont la destination est unique : hôtel, cinéma, parking, etc. Dans ce cas, il faut faire apparaître une nouvelle charge dans le compte de résultat (le loyer) ce qui modifie les résultats. Le banquier demandera à être convaincu de la capacité de l’exploitation et de l’exploitant à dégager cette somme tout en maintenant les résultats. Ce n’est pas impossible, mais c’est une difficulté supplémentaire dans le financement de l’opération d’achat.
► La stratégie personnelle
Pour exercer son métier, on achète un outil de travail, en l’occurrence un fonds de commerce. La gestion et le développement du chiffre d’affaires assureront la rentabilité de cet outil et la prospérité du propriétaire. Le paiement d’un loyer pour l’occupation d’un local qui ne vous appartient pas est intégré dans cette rentabilité. Vous limitez à la fois votre investissement et le risque financier.
Le choix d’acheter les murs entre dans une logique de placement financier ou patrimonial. Il faut donc raisonner avec les critères qui caractérisent le placement immobilier : la valeur locative, celle du bien immobilier, les taux de rendement et de capitalisation. Il n’est plus du tout question de la rentabilité du fonds de commerce.
► Acheter les murs
Que vous soyez ou non propriétaire des murs ne change rien au fait que votre exploitation doit être capable de payer le juste loyer. Si vous voulez revendre à terme vos murs dans de bonnes conditions, ceux-ci doivent avoir une valeur locative en rapport avec le marché environnant, donc être indépendants de la valeur de votre fonds de commerce ou de sa rentabilité. Acheter les murs ne signifie pas payer moins de loyer dans l’exploitation, au contraire : plus votre loyer sera élevé, plus l’immeuble vaudra cher à la revente.
Certains professionnels propriétaires des murs et du fonds ont parfois tendance à alléger leur loyer pour aider l’exploitation. C’est à déconseiller formellement car, le loyer déterminant la valeur locative d’un immeuble, ce n’est pas en dévaluant la valeur des murs que l’on résout un problème de rentabilité de l’exploitation. En procédant ainsi, on risque même de détériorer davantage sa situation financière. Par exemple, si vos murs doivent servir de caution (hypothèque) pour obtenir un prêt bancaire, il vaut mieux que ceux-ci soient évalués à leur valeur maximum, c’est-à-dire à la valeur de marché.
Être propriétaire de ses murs, c’est aussi être capable de les entretenir. En étant chez soi, on n’a parfois pas la même rigueur dans l’entretien des locaux. Le risque étant de ne plus remarquer les dégradations progressives liées au temps et à l’usure. En résumé, le loyer doit également servir au propriétaire des murs pour assumer ses obligations dans le maintien de la valeur de son immeuble, sinon il y aura une dévalorisation au moment de la revente.
- L’acquisition
Dans certains cas, il peut être préférable d’acheter les murs, par exemple :
- quand l’emplacement de l’immeuble est déterminant pour la bonne marche de l’exploitation. Cette idée est particulièrement importante pour des établissements situés dans des lieux touristiques ou commerciaux à fort passage ;
- quand le propriétaire refuse des travaux ou des aménagements nécessaires à la bonne marche de votre fonds de commerce.
La question est de savoir comment et avec quelle structure acheter les murs. Il n’y a que deux possibilités :
- acheter personnellement, pour se constituer un revenu supplémentaire pour la retraite ;
- ou acheter au travers d’une société civile immobilière (SCI), avec une intention patrimoniale, voire successorale.
Chaque solution a ses avantages et ses inconvénients sur le plan fiscal.
En aucun cas il ne peut être conseillé d’intégrer le fonds de commerce et les murs dans une même société. Les raisons sont nombreuses : renchérissement du prix de vente, absence de loyer, coût élevé dans le cas d’une séparation du fonds et des murs à posteriori.
- Anticiper la revente
Acheter les murs et le fonds couplés risque, au moment où l’on décide de vendre dans les mêmes conditions, de se révéler très difficile car cela oblige l’acheteur à disposer d’un apport financier plus conséquent. Par exemple, dans le cas d’un jeune cuisinier disposant d’un apport de 100 000 € et souhaitant acheter un fonds de commerce d’hôtel-restaurant qui en vaut 250 000 € ou 300 000 €. Si cette vente est couplée avec des murs qui en valent 500 000 € ou 600 000 €, l’opération devient quasiment impossible pour lui !
Pour acheter les murs de son fonds de commerce, il faut pratiquement décider au moment de l’achat qu’ils seront conservés au-delà de la revente du fonds de commerce.
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Publié par Jean CASTELL