► Les principaux indices utilisés pour réviser le loyer
Le loyer d’un bail commercial (3-6-9) est le fruit d’un accord entre le propriétaire et le locataire. Le montant du loyer peut toutefois baisser en cours de bail, tous les trois ans - c’est la révision - ou à son terme, au bout de 9 ans - c’est le renouvellement. Des clauses initialement prévues au bail peuvent également faire baisser le loyer annuellement.
Tous les trois ans, le locataire peut demander la révision à la baisse du montant de son loyer. En principe, cette révision est indexée sur l’indice des loyers commerciaux. Cet indice remplace l’indice du coût de la construction (ICC), fixé sur la base de la valeur des matières premières et qui pouvait être défavorable au locataire car déconnecté de l’économie réelle. Il pouvait donc augmenter en pleine crise économique.
Une clause d’indexation du bail ne peut pas interdire la révision à la baisse du loyer dans le cas où l’indice deviendrait négatif (Ccass. 3e civ. 14 janvier 2016, n° 14-24.681 rappelé par CA Paris, 7 février 2018, n° 16-07.034).
► Les clauses d’échelle mobile et de recettes
Une clause d’échelle mobile ainsi qu’une clause recettes peuvent être conclues avec le propriétaire des murs afin de réviser le loyer à tout moment :
- une révision de votre loyer peut être demandée en cas de clause d’échelle mobile si le loyer actuel a été modifié de plus d’un quart par rapport au loyer précédemment fixé contractuellement. La hausse est néanmoins limitée à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ;
- une clause recettes est basée sur le chiffre d’affaires ou les recettes du locataire exploitant.
Souvent, le bailleur demande en justice le paiement d’intérêts au taux légal sur la différence entre l’ancien loyer et le loyer renouvelé. Le locataire ne peut s’y soustraire en arguant qu’il existe une clause d’échelle mobile de nature à compenser ce différentiel, car la question des intérêts est indépendante de celle de la clause d’échelle mobile. Les intérêts doivent s’appliquer en principe à compter du jour de l’assignation, et ce même si une clause d’échelle mobile existe (article 1155 du Code civil - Ccass. 3e civ. 12 avril 2018, n° 16-26.514).
► Quel est l’intérêt de ces deux clauses ?
Dans les deux situations, le locataire peut demander la baisse de son loyer soit parce que le montant de son loyer réel a baissé de plus d’un quart (clause d’échelle mobile), soit parce qu’il a subi une diminution de ses recettes (clause recettes). Le contexte économique actuel et l’alourdissement des charges et obligations pesant sur les CHRD favorisent ces clauses. Elles peuvent néanmoins jouer en défaveur du locataire en cas d’augmentation des recettes.
► Quand peut-on procéder à une révision du loyer ?
La demande de révision peut être faite dès le lendemain de l’expiration de la période triennale par acte d’huissier ou lettre recommandée avec accusé de réception.
Souvent, un pas-de-porte est demandé par le propriétaire des locaux à l’entrée du locataire dans les lieux. Le bailleur souhaite ainsi se prémunir contre le risque de décalage entre le montant indexé du loyer et la valeur locative réelle des locaux. Il s’agit donc pour lui d’un supplément de loyer versé par avance par le locataire. Dans ce cas, le locataire peut le déduire de ses bénéfices.
Il est aussi possible de faire baisser le loyer tous les trois ans si les facteurs locaux de commercialité se dégradent : baisse substantielle du nombre d’habitants ou du nombre de bureaux autour du local, disparition d’un commerce de grande notoriété, d’un service administratif, d’une grande entreprise ou encore suppression de lignes de transports publics. Cette dégradation doit entraîner une baisse de fréquentation de l’établissement et avoir un impact direct sur l’activité du locataire pour qu’il puisse faire baisser son loyer. La tendance actuelle est à la dégradation des facteurs locaux de commercialité. Il n’existe pas de limite légale quant à la baisse du loyer susceptible d’intervenir. Dans le cas inverse, la hausse du loyer résultant de l’amélioration des facteurs locaux de commercialité est plafonnée et ne peut conduire à des augmentations supérieures pour une année à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
Toutefois, la Cour de cassation a récemment estimé que ce lissage prévu par la loi Pinel n’est pas d’ordre public (Cour de cassation, 3e civ. Avis n° 15004 du 9 mars 2018, n° 17-70.040). Il n’appartient pas au juge de fixer un échéancier des loyers exigibles durant la période au cours de laquelle s’applique l’étalement de cette hausse du loyer. Il conviendra de voir si la future jurisprudence suit cet avis.
En pratique, le locataire commercial devra être vigilant quant aux tentatives du bailleur de prévoir des dérogations expresses (clauses du bail) ou déguisées (fixation d’un loyer augmenté à la conclusion du bail incluant une augmentation à 10 % par an sur 9 ans) pour contourner la règle des 10 % maximum par an.
Pour fixer le montant du loyer d’un bail renouvelé, le juge doit prendre en compte le loyer initialement convenu entre les parties lors de la signature du bail initial, et non celui révisé trois ans avant par décision judiciaire (au cours du précédent bail). Ce loyer révisé au cours du bail précédent et fixé par le juge ne justifie pas le déplafonnement à la valeur locative (Cass. 3e civ, 11 avril 2019, n° 18-14,252).
Par ailleurs, le locataire commercial ne peut obtenir la baisse de son loyer auprès du juge du seul fait que les commerces voisins aient renégocié à la baisse leurs loyers avec le même bailleur (Ccass, 3e civ. 25 octobre 2018 n° 17-22129). Il faudra un autre élément tel que ceux cités ci-dessus pour justifier son action.
Il peut être tenu compte de la modification notable des engagements respectifs des parties, par exemple un accord entre elles en cours de bail, pour déplafonner le loyer à la valeur locative lors du renouvellement ultérieur. La Cour de cassation l’a jugé encore récemment : si par avenant en date du 7 mars 2014 qui fait suite à une procédure de révision engagée par le bailleur le 17 janvier 2012, les parties se mettent d’accord sur un loyer augmenté du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013 (23 000 € hors taxes hors charges), le bailleur peut s’en servir pour obtenir ultérieurement le déplafonnement du loyer à la valeur locative (24 000 €), lors du renouvellement à compter du 1er avril 2013 (Ccass, 3e civ. 15 février 2018, n° 17-11.867).
Les locataires commerciaux devront être vigilants et avoir recours à un conseil spécialiste avant tout accord en cours de bail sur le montant d’un loyer pour éviter toute mauvaise surprise lors du renouvellement ultérieur du bail car cet accord peut être risqué pour eux.
► Les hôtels
La branche hôtelière connaît une spécificité due à l’affectation du local de l’hôtel. En effet, l’hôtel, le café ou le restaurant peuvent en principe être considérés comme monovalents. En d’autres termes, le local ne peut pas être affecté à un autre usage sans des travaux importants et coûteux au sein de l’immeuble. Lors du renouvellement du bail hôtelier, le montant du loyer sera calculé en fonction du chiffre d’affaires théorique de l’hôtel. Ce calcul sera soit effectué par la méthode hôtelière (utilisée par le juge) associant le taux d’occupation maximale puis réel de l’hôtel avec les valeurs locatives brutes et nettes, soit par la méthode immobilière associant le chiffre d’affaires avec le coût d’investissement pour le locataire. Le montant du loyer des baux hôteliers est soumis à des hausses qui peuvent être importantes.
Il sera alors dans votre intérêt de démontrer le caractère polyvalent de votre local, afin de limiter les hausses de loyer et même d’en demander la baisse. La polyvalence des locaux sera notamment caractérisée lorsque les deux activités seront importantes et autonomes. En l’espèce, l’hôtel et le restaurant disposaient d’entrées distinctes dans l’immeuble, le restaurant avait sa clientèle propre, et les locaux pouvaient tout à fait servir à l’exploitation d’un bar ou d’une boutique (CA Aix-en-Provence, 25 avril 2019, n° 15/18290).
Enfin, la négociation d’une clause recettes avec votre bailleur pourra permettre d’envisager une baisse de loyer. Compte-tenu de l’activité économique, la clause recettes pourra permettre une baisse importante du loyer adaptée à l’évolution de votre activité.
► Quels sont les risques de déplafonnement ?
Le locataire doit demander le renouvellement de son bail au propriétaire six mois avant son terme, soit 8 ans et demi après sa conclusion par acte d’huissier. Il faut donc bien faire attention à cette date afin d’éviter le déplafonnement du loyer à la valeur locative quand le bail atteint 12 ans sans avoir été renouvelé.
Pour les baux conclus pour plus de 9 ans, reconduits tacitement et de plus de 12 ans, ou qui ont été despécialisés par le propriétaire, la loi prévoit également un déplafonnement possible du montant du loyer aussi bien à la hausse qu’à la baisse.
► Les charges
Contrairement à la situation antérieure, un état des lieux mentionnant la répartition des charges imputées au locataire et celles imputables au propriétaire est désormais obligatoire. Cette disposition permet une plus juste répartition des charges.
► Peut-on renégocier son loyer à tout moment ?
Il y a donc diverses possibilités pour réduire le montant de votre loyer. Vous pouvez le réduire par la voie judiciaire dans les délais mentionnés ci-dessus ou en renégocier le montant avec le propriétaire des murs à tout moment. Vous pouvez charger un avocat spécialisé dans les CHR de procéder à la rédaction des opérations de cessions de baux et, le cas échéant, des actes de vente de fonds de commerce si vous souhaitez renégocier le loyer à ce stade.
Il faut surtout garder en tête que le montant du loyer du CHR est non seulement important pour la stabilité de l’activité, mais également pour sa cession ultérieure à des futurs acquéreurs qui regarderont lors de l’acquisition, les éventuelles augmentations de loyer que pourrait demander le bailleur dans un proche avenir.
Publié par Sophie Petroussenko
samedi 14 septembre 2019