Certains s’en souviennent sans doute : sous le soleil d’août 1967 (oui, il peut faire soleil à Lille), deux trentenaires écumaient le bord de la route qui conduit à l’aéroport de Lesquin pour distribuer aux automobilistes des prospectus - on ne disait pas encore ‘flyer’ à l’époque - qui vantaient les mérites d’un véritable ‘OHNI’ (objet hôtelier non identifié) au nom inconnu de ‘Novotel’. Pour mieux attirer l’œil et l’attention des potentiels clients, l’enseigne s’affichait en lettres gothiques aux yeux des passagers pressés d’embarquer pour des destinations lointaines.
Pour Paul Dubrule et Gérard Pélisson, c’était le début d’une folle aventure jusqu’au 6e groupe hôtelier mondial, en compagnie, excusez du peu, de Marriott, Hilton, Intercontinental, Wyndham et Jing Jiang. Mais en ces journées estivales, il faut d’abord remplir les 62 chambres de ce ‘motel’ (contraction de motor hotel pour les anglicistes) inconnu en terre d’Europe à ce jour.
Gérard Pélissson, l’un des deux anciens baroudeurs d’Amérique qui avaient découvert les Interstates balisées de Holiday Inn à chaque rond-point, vient de nous quitter.
Tout a été écrit sur la formidable réussite d’Accor qui a marqué les trente dernières années du XXe siècle dans le monde de l’hôtellerie, de la restauration et des voyages.
Pour Gérard Pélisson, l’hôtellerie n’était pas franchement sa vocation première. Brillant ingénieur de Centrale, qui poursuivit sa formation au prestigieux Massachussetts Institute of Technology, ce MIT détenteur du plus grand nombre de prix Nobel scientifiques, le cofondateur de Novotel SIEH - devenu Accor en 1983 - se mit d’abord au service d’IBM, l’emblème mondial de l’informatique, avant de rencontrer Paul Dubrule et d’évoquer les souvenirs des grands espaces d’outre-Atlantique.
Sous la double impulsion d’un gestionnaire rigoureux, financier avisé, négociateur habile, et d’un homme de communication et de marketing inspiré, Novotel connut une croissance exponentielle lors des années de développement accéléré des voyages, du tourisme, des échanges internationaux.
En même temps, Gérard Pélisson avait compris l’avenir extraordinaire de l’hôtellerie à l’heure de la mondialisation .Tout en déclinant une gamme d’enseignes susceptibles de séduire une clientèle diversifiée, de Formule 1 à Sofitel en passant par Ibis, Mercure, Pullman, Orient Express, Fairmont ou Raffles pour les plus connues, Accor ne négligea pas non plus la restauration, du rachat de Jacques Borel International au développement de Courtepaille en passant par l’une des passions de Gérard Pélisson, la gastronomie avec le ‘sauvetage’ de la Fondation Brillat-Savarin devenu le très réputé Institut Paul Bocuse.
Il serait trop long d’égrener la carrière époustouflante de celui qui vient de s’éteindre à l’âge de 91 ans. Sans oublier les immenses qualités humaines d’un dirigeant accessible, soucieux de la promotion de tous les collaborateurs en créant notamment l’Académie Accor ouverte à tous les prétendants à un emploi dans le secteur, n’hésitant pas à s’attacher résoudre les inévitables équations d’un métier à forte intensité de main d’œuvre.
Gérard Pélisson avait un caractère entier mais un sens exceptionnel de l’humanité, même quand il lui arrivait de s’emporter, comme lors d’une déclaration à la journaliste Virginie Luc : “Je n’attache aucune importance aux diplômes. Je considère que le pourcentage d’imbéciles est supérieur chez les gens ayant fait beaucoup d’études que chez ceux qui n’en ont pas faites.” Foi d’un ancien de Centrale et du MIT !
#GerardPelisson#
Publié par Christian BRUNEAU
mardi 7 mars 2023