Douche écossaise pour les hôteliers qui, après avoir cru dans le message gouvernemental passé en faveur du tourisme lors de la clôture des Assises, le 19 juin, ont eu la nette sensation la semaine dernière de s'être faits « bernés ». En effet, cinq jours seulement après le discours de Laurent Fabius dévoilant une feuille de route destinée à la promotion du tourisme et rappelant son rôle majeur dans l'économie du pays, « une cascade d'amendements à l'initiative de la majorité visent à doubler, voire tripler le montant des taxes de séjour dû par les touristes » a été déposée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative à l'Assemblée nationale. « L'encre des conclusions des Assises est à peine sèche que certains parlementaires imaginent déjà de nouveaux freins à cette industrie » s'est insurgé Roland Héguy à la lecture des amendements . « Je ne peux pas croire que de telles initiatives puissent aboutir, alors qu'aucune concertation n'ait été menée, ni aucune étude d'impact réalisée et que les conséquences n'aient pas été mesurées. (...). Les Assises n'auraient été alors qu'un marché de dupes ? ». Ou bien le gouvernement ne tiendrait-il pas ses troupes ? Une certitude, entre mercredi et jeudi, les députés ont adopté un premier amendement portant le plafond de la taxe de séjour pour les hôtels 3 étoiles à 5 euros et pour les 4 et 5 étoiles à 8 euros. Le plafond est actuellement de 1,50 euros. Et un deuxième instaurant une taxe régionale supplémentaire pour les hôteliers de l'Ile de France de 2 euros par personne et par nuit.
500% d'augmentation
« Augmenter de 500% le plafond de la taxe de séjour, en fixant un montant à 8 euros, c'est ouvrir la boîte de Pandore pour les collectivités, qui confrontés à des problèmes de financement ont déjà recours à des augmentations ciblées de la taxe de séjour » a déclaré Roland Héguy, prévoyant à juste titre la réaction des collectivités qui n'auront certainement aucun état d'âme à l'égard de la profession. Le Groupement national des indépendant, qui réunit le Synhorcat, la CPIH et la Fagiht, estime qu'il s'agit « purement et simplement de racket » et s'insurge également de l'incroyable discordance des discours et positions à laquelle la profession assiste. « Après six mois de débats, la clôture des Assises a montré que le gouvernement prenait la mesure du tourisme. Une mission sur la fiscalité des hébergements touristiques est aussi en cours » indique le groupement qui, à l'instar des autres syndicats, dénonce la multiplication d'hébergements touristiques concurrents « comme les meublés touristiques et qui échappent à toute fiscalité en dépit d'une activité prospère. En Ile de France, on estime 30 000 et 100 000 le nombre des meublés. Londres talonne Paris et risque de devenir la première destination touristique en Europe. Le phénomène est d'autant plus grave que les courts séjours se multiplient.». Alors que le gouvernement « nous annonce la création d'un Conseil de la promotion touristique et promet une pause fiscale, dans le même temps, sans aucune analyse, ni concertation, les députés lèvent des impôts supplémentaires. Elle est belle la pause fiscale !»a déclaré Didier Chenet, lors de l'assemblée générale du Synhorcat qui avait lieu jeudi 26 juin. « En 2013, le secteur de l'hôtellerie a détruit plus de 5200 emplois. Du jamais vu chez nous. Aujourd'hui, 4 hôtels familiaux et indépendants ferment tous les mois. La saison n'a pas été bonne à cause de la météo mais aussi de l'inadéquation des calendriers scolaires. Tous les professionnels s'accordent sur une saison d'été qui démarre très lentement avec peu de visibilité. Au lieu de chercher à motiver les entrepreneurs, à leur redonner courage, on les enfonce un peu plus » a déploré avec force le co-président du GNI. Laurent Duc, président d'Umih Hôtellerie et qui a été auditionné mercredi 25 juin par les membres de la missions sur la fiscalité des hébergements touristiques, a souligné tous les investissements obligatoires auxquels les hôteliers ont dû répondre ces dernières années « et qui ne sont pas terminées avec l'accessibilité et qui ont véritablement mis à genoux le secteur qui n'a plus de trésorerie et qui n'est pas soutenue par les banques car les travaux imposés n'apportent aucun retour sur investissements ». Pour Didier Chenet, derrière la taxe de 2 euros votée pour l'Ile de France « se cache une décision politique », dénonçant la « gestion déplorable du budget par la région et notamment des transports ». Il ajoute : « nous allons monter au créneau sur son inconstitutionnalité. Elle viole le principe constitutionnel de la liberté d'administration des collectivités territoriales. Il leur appartient à elles seules de décider ou non d'une taxe. Ce n'est pas à l'Etat de le décider ».
Exception française...
L'Umih tire également à boulets rouges. « Le président PS du Conseil régional, Jean-Paul Huchon, s'est réjoui de ce vote, qui a obtenu notamment des voix de députés UMP, et a bénéficié du soutien clair de Claude Bartolone, président de l'Assemblée. Cette taxe devrait rapporter 140 millions d'euros, et correspond ainsi quasiment au montant de ressources nouvelles (150 M EUR) que le gouvernement s'était engagé à trouver en signant en juillet 2013 un protocole de financement des transports en Ile-de-France ». (…) Nulle part ailleurs dans le monde, les transports sont financés par une quelconque taxe sur le tourisme" constate Roland Héguy. "Pour l'Umih, ce vote est un point de rupture dans le dialogue entre les professionnels et les pouvoirs publics. (...) Nous saurons en tirer les conséquences et nous envisagerons des actions susceptibles de manifester notre colère". Le GNI promet une action d'envergure dès le mardi 1er juillet. Dimanche 29 juin, nouveau rebondissement toutefois avec ce communiqué très clair du ministère des affaires étrangères et du développement international. « Les deux augmentations de taxe de séjour votées en première lecture à l'Assemblée nationale sont dangereusement et totalement contraires à la promotion du tourisme qui est une priorité pour l'emploi et l'équilibre extérieur de la France. Adoptées sans concertation avec les professionnels et porteuses de distorsion de concurrence, elles sont contradictoires avec l'engagement solennel pris par le président de la République et le Premier ministre de stopper l'alourdissement inconsidéré des taxes. Enfin, elles sont incohérentes avec le fait que les députés sont en train de procéder précisément à une étude d'ensemble de la fiscalité du tourisme. Pour Laurent Fabius, il est donc impératif de renoncer à ces hausses et de trouver d'autres pistes dans la suite de la discussion parlementaire. » A bon entendeur.
Publié par Sylvie SOUBES
mercredi 16 juillet 2014