“Il ne nous serait jamais venu à l’esprit de faire construire des immeubles neufs pour faire des hôtels. L’ADN de notre groupe est de réhabiliter des bâtiments anciens. Ce n’est pas la voie la plus facile en raison des normes qui s’imposent aux établissements qui reçoivent du public”, explique Philippe Monnin, qui dirige le groupe hôtelier Millésime. “Si nous voulons changer une fenêtre, nous devons passer par un architecte des bâtiments de France [ABF]. Parfois, ils ne sont pas d'accord entre eux. Les artisans doivent être référencés 'monument historique', ce qui nous laisse peu de choix pour les devis”, regrette Matthieu Gaulois, dont la famille exploite trois hôtels-restaurants au Mont Saint-Michel (Manche).
“Au château de Sacy [Marne], nous avions un magnifique escalier central, mais en mauvais état. Nous avons dû l’excentrer dans un endroit encloisonné. Pour s’engager sur ces projets hôteliers de réhabilitation, il faut avoir la vocation mais, à un moment donné, le bâtiment vous le rendra”, s’enthousiasme Philippe Monnin pour qui “le Château de Versailles vaudra toujours plus que l’aéroport de Roissy ! C’est moins cher de faire du neuf mais le rendu sur l’ancien est plus attractif, car il véhicule une histoire. La valeur d’un hôtel neuf, c’est son rendement alors que pour l’ancien, le rendement s’additionne d’une valeur foncière”.
L’hôtelier s’indigne d’idées préconçues : “Des gens pensent que les investisseurs sont guidés par la captation d’aides ou d’avantages fiscaux. Les subventions de la direction des affaires culturelles sont si modestes qu’elles peuvent à peine financer un surplus de travaux. Quant aux déductions fiscales, elles ne concernent que les bâtiments classés aux monuments historiques et le propriétaire doit l’habiter ou le louer à usage d’habitation. Aucune déduction fiscale ne bénéficie à un hôtelier qui rénove de la vielle pierre en créant en plus de l’activité. C’est un frein pour recruter des investisseurs.”
Des coûts certains dans l’ancien mais un prestige incomparable
“Il appartient à l’architecte de faire entendre au donneur d’ordre que tout n’est pas possible dans un monument historique. Si un programme impose de faire une cuisine aux normes actuelles dans un salon avec des boiseries XVIIIe, ce sera une aberration. Nous avons la rhétorique pour agir en intermédiaire entre l’hôtelier et les ABF”, explique Aurélien Dufour, architecte du Patrimoine qui considère que l’investissement de bâtiments anciens par des hôteliers est tout à fait fondé : “Le prestige est incomparable !” La relation avec les ABF reste constructive, selon Philippe Monnin : “À Megève [Haute-Savoie], le bâtiment, non classé, que nous réhabilitons est dans un périmètre protégé, à côté du calvaire. Les ABF sont intervenus pour que nous réduisions la part de bois dans nos façades, en harmonie avec celles du centre-ville où prédomine la pierre. Leur pouvoir est suspensif, ils peuvent annuler un permis de construire !” Une hypothèse que relativise Cyril Allanic, architecte DPLG qui a rénové des bars et commerces de bouche dans le Vieux-Lyon : “Un recours contre l’avis des ABF reste possible. Dans ce cas, c’est le maire qui aura le dernier mot !”
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Publié par Francois PONT