La fourniture
de repas par une entreprise à ses salariés ou à ses dirigeants est considérée
en droit de la Sécurité sociale comme un avantage en nature soumis à
cotisations sociales (art. L242-1 du code de la Sécurité sociale) et à l'impôt
(art. 82 du code général des impôts). Pour les salariés du secteur des
CHR, cet avantage est évalué de manière
forfaitaire. Il est ainsi fixé à 3,52 € par repas pour l'année 2016, et
ce, quelle que soit la rémunération versée au salarié.
Pour les dirigeants en revanche,
les choses se compliquent. L'Urssaf a adopté une méthode d'évaluation contestée
qui aboutit à un grand nombre de redressements. Pour les dirigeants qui ne
disposent pas d'un contrat de travail, l'évaluation de l'avantage en nature
nourriture ne peut être opérée de manière forfaitaire et doit s'effectuer "d'après
sa valeur réelle".
Selon la direction de la Sécurité
sociale, la valeur réelle peut prendre en compte "le prix payé par l'employeur"
ou "les justificatifs de facture payée". Or, ce texte est difficile
à mettre en oeuvre, particulièrement s'agissant d'entreprises qui ont pour
activité la préparation et la fourniture de repas. L'Urssaf a d'abord souhaité
ajouter au coût des ingrédients nécessaires à la réalisation des repas celui de
l'énergie nécessaire à leur confection, ainsi que celui de la main-d'oeuvre
voire d'une partie du loyer payé par l'entreprise, et même de majorer la somme
de ces coûts de la TVA applicable et de la marge réalisée par l'entreprise.
Une pratique
contestable
Mais face au casse-tête que
représentait l'évaluation de la valeur réelle des repas pris par les
mandataires sociaux des CHR, l'Agence centrale des organismes de Sécurité
sociale (l'Accos) a proposé de retenir comme assiette de calcul le menu le
moins cher proposé par l'établissement. Les Urssaf ont, depuis lors, mis en
pratique cette instruction et redressé de nombreuses entreprises sur cette
base, sans aucun discernement.
Ainsi, des dirigeants de
restaurants gastronomiques ou pratiquant un menu unique ont été redressés par l'Urssaf
sur la base du prix du menu servi à la clientèle. Un niveau de valorisation
sans commune mesure avec celui fixé pour les salariés.
Par ailleurs, la pratique est
contestable : en adoptant comme base d'évaluation le menu le moins cher, l'Urssaf
opère une forme d'évaluation forfaitaire contraire aux textes réglementaires
qui font référence à une valorisation 'au réel'.
Cette situation, née de l'incertitude
réglementaire, a été dénoncée devant la représentation nationale à plusieurs reprises,
sans qu'aucune réponse n'ait toutefois été apportée à ce jour (question
n° 8305 de Jean-
Marie Sermier publié au Journal
officiel du 23 octobre 2007, retirée le 19 juin 2012, question
n° 97121 de Daniel Fasquelle publiée au Journal officiel du 28 juin
2016, sans réponse à ce jour). Les conditions de prise de leurs repas par les
restaurateurs, souvent entre deux services, qui sont très éloignées de celles
de la clientèle, devraient pourtant justifier que l'Urssaf fasse preuve de
discernement à leur égard.
La valeur réelle
devrait être appréciée de manière restrictive
L'Urssaf a obtenu des décisions
qui lui ont été favorables lors de contentieux engagés par des restaurateurs.
Selon une jurisprudence récente, l'avantage en nature nourriture peut correspondre
au prix du menu le moins cher proposé au public (Cass. 26 novembre 2015,
n° 14-26353). Dans d'autres décisions, les magistrats ont pourtant relevé
que la valeur réelle d'un avantage en nature nourriture ne doit pas s'apprécier
par rapport au coût d'un repas pris au restaurant mais par rapport au coût d'un
repas pris à domicile (par exemple, cour d'appel de Besançon, chambre sociale,
20 février 2009, n° 09/122).
Il conviendrait donc de prendre
en compte le coût des denrées alimentaires, justifiées en cas de contrôle par
la production de factures, et de l'énergie nécessaires à la confection d'un
repas, ce dernier étant bien souvent réalisé par l'intéressé lui-même. Cette
somme pourrait éventuellement être majorée du taux de TVA applicable dans la
restauration. Cette appréciation restrictive de ce que peut recouvrir l'avantage
en nature nourriture des dirigeants serait alors conforme aux textes
réglementaires applicables.
Une précision parlementaire ou
administrative sur ce point de discorde entre l'Urssaf et les dirigeants
restaurateurs est donc indispensable compte tenu du nombre de redressements
opérés et des contestations légitimes qui en résultent.
Publié par Fabien Desmazure, avocat au barreau de Paris
mardi 15 novembre 2016
mercredi 16 novembre 2016
vendredi 20 janvier 2017
lundi 14 novembre 2016