Au-delà des boutiques et différents services, les centres commerciaux ont tout intérêt à prendre en compte la restauration pour gagner en visibilité. Ces derniers sont bien plus que de simples lieux fréquentés par contrainte ; qui allient aujourd'hui modernité, praticité et détente. Si certaines enseignes de restauration rêvent de décrocher une cellule, d'autres, qui sont déjà implantées, savent que tout n'est pas 'rose'. Laurent Caraux, président-fondateur d'El Rancho, sait de quoi il parle : « C'est en 1993 qu'on a ouvert le premier restaurant dans le centre commercial Belle Epine à Thiais (94). Nous en avons 15 à ce jour pour un réseau de 29 El Rancho (en centre-ville, en solo, et un sur autoroute). Dès qu'il y a la présence d'un multiplexe, ça draine automatiquement du monde. Le couple loisirs/restaurants montre son efficacité. Cependant, sans cela, les restaurants ont une difficulté le soir car les boutiques ferment à 19h30 / 20h ». Le bémol ? « Dans les centres commerciaux les plus récents, les enseignes sont toutes uniformisées derrière une vitrine ; sans personnalisation ni liberté. Or, la vocation des enseignes est bien de se démarquer ! »
Philippe Labbé, président de Courtepaille (245 restaurants dont 10 en CC ; le reste en solo, sur autoroutes, et en pied d'hôtels), rejoint cet avis : « Je pense que dans certains centres commerciaux, la restauration doit être un lieu de convergence et non située en fin de galerie (pour avoir de la visibilité, de la fréquentation). Il faudrait reconstituer des pôles de restauration, dès la construction ou la rénovation, pour donner aux consommateurs l'envie de revenir. Et élargir aussi l'amplitude horaires quand il n'y a pas le bénéfice du multiplexe, surtout en milieu périurbain ». Laurent Mesurolle, responsable immobilier France chez Flunch (250 restaurants dont 80 % en CC, 10 % en centre-ville, et 10 % en solo), lui, voudrait que « le commerce de retail et la restauration soit sur un même pied d'égalité ! On doit tout ouvrir en même temps ; et non le premier avant et le second en décalage. Ca permettrait d'anticiper et d'appréhender les problèmes techniques (climatisation, bacs à graisse par exemples) ».
Faire du point de vente, un lieu de vie
Et qui dit emplacement, dit paiement d'un loyer et charges de fonctionnement. Et là, le sujet ne fait pas rire les trois dirigeants. « Je tire le signal d'alarme » s'emporte Laurent Caraux. « On nous demande pour la première fois en 2012, 10 % de notre chiffre d'affaires ! On paye donc un loyer variable avec un minimum garanti ; or ce dernier est complètement déconnecté de notre activité. A cela s'ajoute bien sûr d'autres charges (électricité, énergie, main d'oeuvre) ». Laurent Mesurolle ajoute que « l'indice des loyers commerciaux (ILC) augmente de 2 à 3 % en début d'année. Les bailleurs doivent prendre en compte l'activité des occupants, savoir si les enseignes fonctionnent ou non, et adapter par conséquence le loyer. Or, c'est une chose qu'ils ne font pas aujourd'hui ». Résultat : les loyers grimpent tandis que le CA est en régression. Notons que Sylvia Pinel a dernièrement annoncé que l'ILC deviendrait obligatoire. « Une belle avancée » admet Laurent Caraux, puisque cet indice prendra en compte l'évolution des prix à la consommation (à 50%), les prix de la construction neuve (à 25%) et le chiffre d'affaires du commerce (à 25%). Reste à savoir quand cela prendra effet … Les bailleurs demandent également une somme pour les charges du CC (électricité, animations, etc). « 50 € le m2 à l'année » dit Laurent Caraux, qui estime aussi que l'inflation est galopante. « Ca manque de transparence. Il faudrait demander une nomenclature des charges précises ! ».
Alors que faire pour avoir un modèle viable ? Faut-il diminuer sa superficie ? « Réduire les mètres carrés pour mettre des distributeurs automatiques, c'est quand même fort dommage si on veut faire du CC, un lieu de vie » répond d'emblée Philippe Labbé. Deux jeunes enseignes, non présentes en CC, suggèrent quelques idées. « Il faudrait jouer la carte de la flexibilité dans différents formats (kiosque, carrosse, etc). Et avoir une logique de ruelle pour apporter de l'humain, de la chaleur » dit Mehdi Draoui, fondateur-associé de Fine Lalla, qui, à travers son fast-food marocain (première ouverture à Paris au second semestre 2013) propose non seulement une offre de prêt-à-manger, un segment épicerie fine, mais aussi une boutique de cadeaux ! Car l'idée est bien que le point de vente soit ouvert toute la journée, et adapté aux différents modes de consommation (un peu à l'image des food court). Tom Wallis, fondateur-gérant Alto Café (20 points de vente sous 4 formats différents), est tout aussi malin : « Mon atout : je me créé de nouvelles surfaces commerciales ; et me positionne sur des mètres qui n'étaient pas des surfaces locatives. C'est plus facile avec 5m2 qu'avec 500 m2. Certes, on paye 20 % du CA aux galeries Lafayette, 35 % dans les salons ; mais on a pas de concurrence et nous sommes seul à proposer une offre de cafés ».
Dans un monde en perpétuelle mouvance, la restauration devra aussi se renouveler. Pour Laurent Mesurolle, « si Flunch propose une offre généraliste, il faudra à l'avenir moderniser la compréhension de ce que l'on fait (moins de produits, être plus rapide) ». D'ailleurs, l'enseigne ouvrira un établissement pilote - de petite taille - axé sur les différents segments de la journée, à la rentrée 2013 à Claye-Souilly (77). « Penser à développer davantage sa communication sur les réseaux sociaux, les applications » poursuit Laurent Caraux. Il faudra également proposer un véritable service au client, en plus du produit acheté. La chasse aux nouvelles idées est en marche.
Publié par Hélène BINET