18 % de la population française est atteinte d’un handicap important en France. Pourtant, le taux de chômage des personnes handicapées est deux à trois fois plus élevé que dans la communauté non handicapée. Comment les inclure dans les métiers de l’hospitalité, en garantissant une solution gagnant-gagnant aussi bien pour l’employeur que le recruteur ? Une question dont Roger Obeid détient la réponse.
Un secteur encore peu enclin à l’inclusion
“Je fais du volontariat auprès de minorités invisibles depuis tout jeune, mais c’est la guerre civile au Liban et ses conséquences sur les individus qui a vraiment changé ma vision du handicap”, explique ce spécialiste libano-canadien du domaine hôtelier. En 2021, à 68 ans, il reprend des études à l’Université de Montpellier pour réaliser une thèse sur la place des minorités au Liban et leur inclusion professionnelle dans le monde de la restauration et métiers de bouche. C’est là que se dessine un nouveau projet : Join Hospitality.
Le but ? Fournir des outils simples afin d’inclure, en particulier, les malentendants et les personnes handicapées motrices dans l’hôtellerie et la restauration. “L’inclusion fait face à beaucoup de préjugés dans ce milieu. Par exemple, on associe souvent personnes handicapées au fauteuil roulant, alors qu’elles représentent moins de 1,5 % des handicaps”, souligne Roger Obeid.
Trois solutions pour faciliter l’inclusion
La stratégie de JoIn Hospitality repose sur trois piliers : le software, le hardware et la formation. Pour faciliter l’inclusion, il faut d’abord faciliter les rencontres. “Le recruteur a peur du handicap, pas de la personne en elle-même. Il pense que le handicap physique est une maladie permanente et une source de coûts et de contraintes. De son côté, le candidat n’est pas conscient de toutes les activités qu’il peut réaliser et ne sait pas comment se présenter sur le marché du travail”, souligne Roger Obeid. Sa solution : une plateforme de mise en relation recruteur/employé qui associe les capacités des candidats handicapés aux besoins des employeurs, facilitant ainsi l’embauche.
Deuxième étape : adapter les espaces de travail. Le spécialiste a, par exemple, imaginé des plans de travail sur roulettes ajustables en hauteur. Des cuisines qui se réinventent selon l’usage et les utilisateurs. D’autres solutions encore moins coûteuses existent également : à l’occasion de l’ouverture d’un restaurant à Beyrouth, il a ainsi mis en place de nombreux outils facilitateurs pour les employés sourds et muets. “Il suffit parfois de modifier la signalétique en ayant recours à des images plutôt qu’à du texte, implanter des miroirs ou des voyants lumineux pour prévenir ou solliciter des malentendants.” Résultat : un service en salle particulièrement paisible et apprécié, qui fonctionne par le langage des signes.
Les nombreux avantages, humains et financiers, de l’inclusion
Face à la pénurie criante de main-d’œuvre — estimée à 200 000 postes vacants dans le secteur hôtelier français — l’intégration des personnes en situation de handicap représente une solution concrète et efficace. D’autant que l’État français se veut particulièrement incitatif… à sa manière. Chaque entreprise de vingt salariés, et plus, a l’obligation d’employer des travailleurs handicapés (OETH) à hauteur de 6 % de son effectif. Celles qui n’appliquent pas la règle se voit contraintes de verser une contribution annuelle, la taxe Agefiph.
Mais surtout, embaucher des travailleurs handicapés au sein de son équipe ajoute un avantage humain sous-estimé. Habitués à surmonter des difficultés quotidiennes de par leur handicap, ces salariés se révèlent souvent plus motivés, persévérants et moins absents. Le turn over est également moins important, à condition que l’inclusion soit bien réalisée. Alors que les Jeux paralympiques de Paris 2024 ont mis en lumière le potentiel des personnes à mobilité réduite, il est temps que le secteur de l’hôtellerie-restauration prouve, une fois encore, son avant-gardisme et se tourne vers ces employés disponibles et compétents. Roger Obeid l’assure : “investissez-vous dans l’inclusion, la richesse du retour va vous surprendre”.
Publié par Ingrid BOINET