Bastien Slovinski et Romain Dumond ont lancé en avril 2012 la Käserie à Berlin (Käse signifiant fromage dans la langue de Goethe). Dans cette échoppe intimiste, ils combinent vente de fromages et petite restauration, à emporter ou sur place, à prix modique - une planche de dégustation avec verre de vin coûte 10 €, un sandwich 3,50 €. "Nous étions conscients de vendre un produit haut de gamme dans une ville plutôt pauvre, note Bastien Slovinski. Mais nous pratiquons des prix très corrects, notamment pour le sur-place." Dans la vitrine se côtoie la crème de la crème, comté et roquefort en tête, mais aussi des produits plus rares dans la capitale allemande comme un époisses, un pouligny-saint-pierre ou un trois-cornes. La clientèle en manque de plaisirs lactés peut aussi déguster sur réservation tartiflettes, fondues et autres monts-d'or dans une salle de 25 places.
C'est dans un bureau que se sont rencontrés Bastien Slovinski et Romain Dumond, 27 et 30 ans. Ils mènent une vie confortable d'expatriés, le premier comme ingénieur, le second comme attaché commercial. Mais ils s'aperçoivent vite qu'outre une lassitude "des fichiers Excel et des visites en costard aux clients", les réunit une même "volonté d'être indépendant et de monter [leur] entreprise". Conscients de se positionner sur une "offre de niche", ces deux fondus de fromage constatent qu'il existe "un potentiel à la fois d'expatriés et d'Allemands à la recherche des produits de qualité". "Ce qui rendait excitant ce projet, c'était de le faire à Berlin, pour faire découvrir ce que nous faisons de mieux", ajoute Bastien Slovinski.
"Rien d'insurmontable"
Pari lancé en 2010. Tous deux abandonnent leur carrière et affinent leur projet. Romain Dumond prend un an pour suivre un certificat de qualification professionnelle fromager-crèmerie au centre de formation SEPR, à Lyon. Il travaille en alternance à Lou Canesteou, fromagerie de Vaison-la-Romaine (84) que dirige la MOF Josiane Deal. "Pour la vente, l'achat de matériel, et la gestion d'entreprise, nous avions déjà des compétences, poursuit Bastien Slovinski. Ce qui nous manquait, c'était l'aspect spécifiquement lié à la restauration. D'où le passage par la formation, pour être carré sur la connaissance des fromages, mais aussi la découpe, l'hygiène, l'emballage et le service." Pendant ce temps, Bastien Slovinski s'occupe des formalités et cherche un local. La modicité des loyers et du coût de la vie dans la capitale aide aussi. Pour une mise de départ de 72 000 € - dont 38 000 € pour l'équivalent allemand du pas-de-porte - ils atterrissent dans le quartier de Prenzlauer Berg. "La vie n'étant pas chère à Berlin, nous avons pu économiser et avoir un gros apport. Ce projet était beaucoup plus facile à réaliser financièrement ici qu'en France."
Si la maîtrise de la langue est indispensable, Bastien Slovinski juge l'environnement économique et administratif plutôt accueillant. "Il n'y a rien d'insurmontable. Il y a pas mal de paperasse, mais je pense que c'est la même chose en France." Depuis, le duo voit son aventure prospérer. "On ne s'est pas payé pendant quelques mois. Mais on a franchi un cap. On est loin d'avoir les mêmes salaires qu'avant, mais on peut vivre correctement. Un an et demi après avoir ouvert, on est super contents."
Publié par Gilles BOUVAIST