La famille, une valeur sûre dans la restauration

Irait-on au restaurant comme l'on va chez le notaire : de père en fils ? L'exploitation en famille comme la transmission d'une affaire à sa descendance sont plébiscitées par les Français.

Publié le 16 novembre 2015 à 11:17
La crise économique et l'explosion du chômage auront renforcé le sentiment d'un monde du travail où seraient privilégiés les 'fils' ou les 'fille de'. Si la transmission des places dorées par filiation agace les Français exclus des réseaux consanguins, perpétuer l'activité de parents restaurateurs apparaît plus comme un acte de courage dans une profession si exigeante qu'il serait difficile de vraiment jalouser ces héritiers. Un fils ou une fille de cuisinier sait au moins à quoi s'attendre du côté de la porte de service d'un restaurant.

Les entreprises familiales, tous secteurs confondus, représentent 83 % des sociétés en France, 50 % des emplois, 50 % du PIB. Installées dans la durée, elles s'opposent au désir de profits immédiats des fonds d'investissements et affichent des atouts singuliers : la stabilité et l'indépendance. Dans la restauration, les histoires de famille inspirent même des séries télévisées à succès comme Chefs, avec Clovis Cornillac, l'histoire d'un restaurateur surpassé par le talent de son fils. Une fiction qui rappelle, entre autres, une certaine réalité montreuilloise (Pas-de-Calais), celle de l'Anecdote où Alexandre Gauthier dynamite la cuisine de son papa dans un vibrant travail de mémoire : "J'ai voulu rendre hommage à mon père, Roland, en ressortant les plats qu'il avait servis le 15 mars 1979 lors de l'ouverture de la Grenouillère." Des sauts d'une branche généalogique à une autre parfois douloureux comme chez les Pic, en 1992, à Valence. Au lendemain de la rupture d'anévrisme de Jacques Pic, c'est le fils, Pierre, préparé pendant des années à la succession, qui barrera le navire familial pour renoncer trois ans plus tard après la perte de la 3e étoile Michelin. Il cède alors sa place à Anne-Sophie, sa petite soeur qui se rêvait styliste. On connaît la suite.

 

Ne jamais parler politique à table

"On ne commente pas l'achat d'une nouvelle voiture par un membre de la famille et on ne parle pas de politique à table", s'amuse avec malice Xavier Castillan, 46 ans, propriétaire du camping d'Herbelon et de la table du Campagnard à Treffort (Isère), président des Maîtres restaurateurs de l'Isère et membre d'une dynastie hôtelière qui rayonne dans le département depuis des décennies. "C'est mon père, Jules, propriétaire d'un hôtel à la Grave et à l'Alpes d'Huez, qui a sauvé le château d'Herbelon de la destruction en 1965, lors de la construction du barrage EDF. Mon frère Charles en a pris la direction en 1985. Il exploitait aussi le terrain de camping qui jouxte le château. Il m'a cédé gracieusement le fonds en 1995. Mon autre frère François avait la charge de l'hôtel Castillan à l'Alpe d'Huez qu'il a confié ensuite à ses enfants puis à ses petits-enfants, ces derniers ont rebaptisé le restaurant de l'hôtel Chez Jules, en mémoire de leur grand-père décédé en 1993", explique le restaurateur, recordman des absences au lycée hôtelier de Grenoble lorsqu'il était étudiant : "Quand mes frères recevaient un banquet au château d'Herbelon ou le Tour de France à l'Alpe d'Huez, la question ne se posait même pas : nous allions tous aider, même pendant les cours."

 

Le triomphe de la famille

Ainsi, l'entraide familiale rendrait les groupes patrimoniaux plus solides et optimistes face à un environnement ponctuellement perturbant. Ce sont les enseignements du troisième baromètre KPMG. Entre 2013 et 2014, les entrepreneurs travaillant en fratrie auront vu leur moral grimper de 16 points. Sur la même période, 54 % des sociétés familiales (dans la même étude non spécifique aux CHR) auraient augmenté leur chiffre d'affaires, 90 % maintenu leurs effectifs et 86 % prévoiraient de réaliser des investissements stratégiques. En effet, elles ressentiraient plus modérément l'impact de la crise du crédit puisqu'elles sont intrinsèquement moins endettées. Selon un autre indice, le baromètre Edelman, 73 % du grand public accorderait une grande confiance aux entreprises familiales contre 61 % pour les organismes publics. La capacité de produire des services de qualité, de générer du rendement et d'assumer leurs responsabilités sociétales justifieraient cette bonne réputation. En revanche, l'indice de confiance accordé au self-made man se rétracterait de 14 points lorsque l'entreprise passe à la descendance.

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Publié par Francois PONT



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