"Cette population plus aisée a des exigences - internet haut débit, route en bon état… - qui peuvent même créer des tensions avec les locaux", constate Cédric Szabo, directeur de l'association des maires ruraux de France. Marc Rosenzweig, maître de maison du restaurant Le Manège à Léognan (Gironde), à trente minutes du centre de Bordeaux positive : "Les gens des villes qui vivent dans les zones rurales stimulent notre activité parce qu'ils ont du pouvoir d'achat." Quant à Sylvain Ortis, qui dirige à Mortagne-au-Perche (Orne) l'Hôtel du tribunal, il conçoit que l'aspect fiscal soit peu revendiqué, sous réserve qu'il existe : "Ce que ces clients nous disent c'est qu'ils viennent habiter et consommer chez nous pour la qualité de vie, pas pour les impôts !"
"Encore faut-il que la cuisine soit bonne"
Les actifs qui vivent dans les campagnes pour aller travailler tous les jours dans les grandes villes voisines s'appellent des pendulaires. En la matière, Saint-Étienne, préfecture de la Loire, est un cas d'école avec ses 66 % d'habitants qui ne payent pas la taxe d'habitation. Une fiscalité locale qui se reporte, dès lors, sur les classes moyennes et supérieures. "Les gens partent de Saint-Étienne pour vivre en périphérie, c'est un secret de polichinelle", note-t-on au restaurant de la Poste à Saint-Galmier (Loire), où la vie est aussi douce que la fiscalité grâce à la présence de l'usine Badoit. "Cette année, nous venons d'être absorbés par Saint-Étienne métropole", redoute la gérante du Carré buffet, l'un des douze restaurants de Saint-Galmier. "Les gens partent plus loin désormais pour ne pas être rattrapés par la communauté de communes", constate Zaza Tissot, une commerçante stéphanoise. Un constat que confirme Évelyne Chouvier, maire de Saint-Jean-Soleymieux (Loire), qui travaille tous les jours à 38 km de son village, aux archives de Saint-Étienne : "On voit arriver les pendulaires depuis une quinzaine d'années chez nous. Mais s'ils devaient remplir les restaurants ruraux, encore faudrait-il que ce soit bon." La maire en est en effet à sa sixième gérance en dix ans au restaurant municipal : "Mais cette fois je crois que nous avons la bonne", ajoute Évelyne Chouvier, en référence à Valérie Arcourt, la gérante de la Forez'tière. La restauratrice constate bien l'arrivée de nouveaux clients : "Des trentenaires qui font construire et ne jurent que par le fait maison."
En Ardèche, au bistrot multiservice Les Chélines, rénové par la municipalité de Saint-Cierge-la-Serre - l'un des combats du maire Olivier Naulot -, la nouvelle gérante, Tonia, affiche complet même l'hiver, "que ce soit avec les touristes, les habitants des communes voisines qui évitent de prendre la route lorsqu'ils ont un peu bu ou les voisins." Mais personne ne prendrait le risque d'affirmer que c'est la fiscalité des grandes villes qui repeuple leur campagne et leur salle de restaurant. Tous misent davantage sur la qualité de leur cuisine.
Publié par Francois PONT