Cette année, la sélection du guide Michelin enregistre un record avec 654 restaurants étoilés en France. Comment analysez-vous cette dynamique ?
La scène culinaire française est en pleine effervescence. Malgré un contexte d’incertitude économique, de nombreux entrepreneurs se sont lancés dans des projets ambitieux, en mettant d’emblée la qualité au centre de leur démarche. Ce qui est remarquable, c’est que bon nombre des restaurants récemment distingués par une ou deux étoiles ont été ouverts très récemment. Ces établissements incarnent des projets de vie ancrés dans un territoire, en lien étroit avec des producteurs locaux. Cette vitalité, portée par une nouvelle génération de chefs, déjoue tous les pronostics et prouve la dynamique exceptionnelle de la gastronomie française.
Quelles tendances ont marqué cette cérémonie du guide Michelin ?
Plusieurs éléments marquants ont émergé cette année. Tout d’abord, la jeunesse et la progression des talents sont à souligner. De plus, la question de la place des femmes en cuisine a été omniprésente. Si leur présence est encore trop discrète en cuisine, elles sont très visibles dans les métiers du service et de la sommellerie, comme l’ont rappelé plusieurs chefs lors de leurs discours. Nous avons un rôle à jouer dans cette transformation en mettant en avant des modèles inspirants et en reconnaissant les talents sans distinction. Notre série de podcasts consacrée aux femmes dans la gastronomie a reçu un écho formidable, avec des centaines de femmes qui ont partagé leur histoire. Notre objectif est de normaliser leur présence aux postes à responsabilité.
Deux nouveaux restaurants ont obtenu trois étoiles. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ces deux maisons illustrent des approches différentes mais partagent un point commun : une profonde connexion avec la mer. Christopher Coutanceau, cuisinier-pêcheur, a atteint un niveau d’excellence remarquable, avec une précision et une maîtrise totale de son art. Son établissement est revenu au sommet de la gastronomie française. De son côté, Hugo Roellinger incarne le renouveau. Autodidacte, il développe une cuisine singulière, inspirée par l’histoire et l’émotion. Sa maison propose une expérience inoubliable et témoigne d’une grande humilité.
Après Marc Veyrat, Paul Bocuse ou Guy Savoy, c’est au tour de Georges Blanc de perdre sa troisième étoile cette année. Est-il devenu plus difficile de la conserver ?
La dynamique du guide Michelin repose sur un principe fondamental : l’annualité. Chaque maison évolue, et notre rôle est de retranscrire fidèlement cette réalité. L’exemple de Christopher Coutanceau prouve que l’excellence peut être retrouvée. Nos critères restent inchangés et nous nous engageons à être au plus près de la scène gastronomique. Nos inspecteurs, anonymes et intégralement financés par Michelin, garantissent une sélection rigoureuse et homogène.
Comment voyez-vous l’avenir du guide Michelin dans les cinq prochaines années ?
L’avenir est tourné vers le développement et l’innovation. Nous poursuivons notre expansion avec de nouvelles sélections, notamment au Québec, aux États-Unis et aux Philippines. L’engouement pour la gastronomie est mondial, et nous souhaitons accompagner les épicuriens dans leurs découvertes. Nos plateformes numériques connaissent une croissance spectaculaire (+ 40 % en 2024), avec une communauté de 6 millions de followers en constante augmentation. Nous resterons fidèles à notre mission en continuant à mettre en lumière les talents culinaires, en toute impartialité et avec la même exigence qui fait la renommée du guide depuis 125 ans.

Publié par Romy CARRERE