La réussite d'un pro : Cédric Moulot, le battant

À 36 ans, le chef vient de connaître une année faste : le restaurant le 1741 a obtenu une étoile au guide Michelin, et sa winstub, Le Tire-Bouchon, fête plus de dix ans de gourmandises. Autoportrait.

Publié le 31 octobre 2014 à 16:58

"Je suis un cuisinier, un gueulard, surtout pas un homme d'affaires. Le métier de restaurateur, il faut l'avoir dans le sang, le faire avec coeur.

Je viens d'un milieu modeste, je ne suis pas diplômé. J'ai dû me battre pour concrétiser des projets qui semblent complètement dingues. Le travail, la régularité, la détermination, la persévérance ont payé. Je me suis fait seul.

J'ai grandi en Lorraine. J'étais l'aîné d'une fratrie de quatre, notre famille était dure. Les compliments ne venaient pas facilement, aujourd'hui encore. On n'avait rien, les huissiers étaient régulièrement à la porte.

Mon père et mon parrain étaient restaurateurs. Ma grand-mère, une excellente cuisinière. Ce sont eux qui m'ont donné le goût de ce métier. À 5 ans, j'étais déjà derrière les fourneaux à éplucher les légumes. Gamin, je rêvais, comme mon parrain avant moi, d'aller au lycée hôtelier d'Illkirch-Graffenstaden. Mon père était contre : l'école coûtait trop cher. Mais j'y suis arrivé. Je suis un battant, quand je veux quelque chose, je l'ai.

À 14 ans, je suis arrivé sans le sou à Strasbourg. J'ai fait des extras au Crocodile, au Sofitel, et j'ai travaillé tous les week-ends pendant quatre ans au restaurant au Bord du Rhin, à Gerstheim, chez les parents de mon ami Stéphane Riss (mon associé au Meiselocker). J'ai été pris en main par son père ; il m'a dressé : j'étais arrogant. Chez eux, j'ai appris autant la cuisine que la salle. La polyvalence, c'est ce qui m'a permis d'aller vite. 

J'ai franchi les portes qui s'entrouvraient. À 19 ans, j'ai été embauché par Lionel Wurms, en tant qu'assistant de direction à la brasserie de la Bourse. Là, je me suis fait mon réseau : je chopais les cartes de visite des notaires, des avocats et des banquiers qui mangeaient-là. Au bout de trois ans, j'ai eu envie de monter ma propre affaire. En septembre 2002, un agent immobilier est venu me voir. Il m'a dit : "J'ai une affaire en location-gérance à vous proposer." C'était la winstub Le Tire-Bouchon. J'ai sauté sur l'occasion.

J'avais 22 ans et j'étais interdit bancaire. Un banquier m'a fait confiance, et Gérard Mathès - alors barman à la Bourse - a fait un prêt à la consommation pour me donner les 30 000 € qui me manquaient. En deux ou trois ans, l'affaire a explosé. Gérard et moi, on travaillait 7 jours sur 7 jusqu'à minuit. On proposait une cuisine de qualité. Et c'est ce qui fait encore le succès du Tire-Bouchon. On n'a jamais pensé à nous, on a toujours pensé à l'entreprise. En 2005, j'ai racheté le fonds. Puis, j'ai agrandi le restaurant. On est passé de 47 places à 250. Sans cette réussite, aucun autre projet - le 231 East Street, le Meiselocker et encore moins le 1741 - n'aurait été réalisable.

C'est en revenant d'un voyage à NewYork en 2011, que j'ai créé le concept du 231 East Street, reposant sur des burgers gourmets. Six mois plus tard, le premier restaurant ouvrait. Je me suis associé avec Éric Senet, du groupe Flam's, pour réaliser un de mes rêves de gosse : la création d'une franchise. Aujourd'hui, neuf 231 East Street ont été créés et, en 2015, on en comptera une vingtaine dans toute la France.

La même année, j'ai créé à la place de la Taqueria, un restaurant mexicain où j'allais quand j'étais jeune, le Meiselocker, une winstub dans le quartier étudiant de la place Saint-Etienne, à Strasbourg. Encore un projet fou. La première année, notre chiffre d'affaires était déjà trois fois plus élevé que la Taqueria. Il le sera cinq fois plus l'an prochain.

Puis, il y a eu le 1741, autre rêve de gosse. Je ne l'ai pas fait pour l'argent ; ce n'est pas un projet financièrement viable. La première année a été très difficile, ça a failli finir en banqueroute.

J'avais envie de créer la plus belle table de Strasbourg, rendre hommage à Monique et Émile Jung, du Crocodile. Quand ils 'ont passé la main', je me suis presque senti orphelin. L'étoile a été une consécration. Avec mon associé Olivier Nasti (MOF et chef 2 étoiles Michelin au Chambard), nous voulons emmener le 1741 le plus haut possible.

Depuis peu, j'arrive à prendre du recul, je m'entoure de gens compétents. Je prends des vacances et je suis aussi plus à l'écoute de mes équipes. En plus d'une nouvelle création d'établissement à Paris, qui devrait aboutir début 2015, j'ai un autre projet : faire un enfant. À quoi bon faire tout cela sinon ? Pour moi, la réussite d'une personne est autant professionnelle que privée. C'est une erreur de ne penser qu'à l'un et pas à l'autre."


Publié par propos recueillis par Sonia de Araujo



Commentaires
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ycinotti

samedi 1 novembre 2014

Un beau témoignage.

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