Le croque-monsieur à toutes les sauces

Alors que l'on trouve des sandwiches, des paninis, des burgers ou des kebabs à chaque coin de rue, les croque-monsieur sont jusqu'à présent restés discrets. On les déniche dans des brasseries, mais leur qualité peut être décevante. C'est ce qui est arrivé à Alex Calthrop, un jeune avocat australien venu passer une année sabbatique à Paris en 2013. Lui qui avait découvert l'art du croque-monsieur dans un petit bar belge d'Australie se lance alors un défi ambitieux : concocter "le meilleur croque-monsieur de Paris". Après avoir transformé son appartement en restaurant éphémère, il devient chef à domicile, lors de soirées privées chez des clients parisiens. Sa marque de fabrique ? "Pain Kayser, moutarde aux truffes et béchamel maison."

Resto de crise…

Il a aujourd'hui plié bagage mais a flairé le filon : le grand retour du croque-monsieur. Bryan et Kevin Ivanovskoff ne s'y sont pas trompés. Les deux frères ont imaginé Crock'n'roll dès 2011. "L'idée nous est venue lors d'une soirée Erasmus entre amis : les étrangers ne connaissaient pas le croque-monsieur. Chacun choisissait ses propres ingrédients. Cela a eu un succès fou !" Aujourd'hui, leurs deux établissements lyonnais proposent une quinzaine de recettes (sucrées et salées), à base de pain de campagne. Leurs best-sellers : le Croq'mademoiselle (poulet, crème fraîche, purée d'avocat et curry) et le Croq'Désirée (crème fraîche, bacon, oignon rouge et raclette). Les clients peuvent choisir entre deux formats (normal et XXL), et même composer leur croque-monsieur avec les ingrédients de leur choix (saint-marcellin, pesto, épinards frais, thon…). Ouvert 7 jours sur 7, de 12 h 30 à minuit en service continu, l'enseigne enregistre un ticket moyen d'une dizaine d'euros pour un menu complet. "Playlist qui rocke", "déco industrielle à la new-yorkaise", "service à la cool", organisation de brunches hebdomadaires et de vernissages mensuels : le duo a trouvé le bon mix. "On est un peu un restaurant de crise. On reçoit aussi bien des étudiants à midi que des familles ou des salariés", constate le tandem, qui espère lancer une troisième adresse à Paris, ainsi qu'un food truck à Lyon.

Autre stratégie : celle du Croque bedaine, implanté à Strasbourg depuis avril dernier. Ce 'pub à croque-monsieur' sert des bières, des frites maison et huit recettes originales (ratatouille-chèvre ou encore crème fraîche, oignons, lardons et munster…), pour un ticket moyen de 15 €. Ouvert uniquement en soirée, l'établissement a reçu un "très bon accueil de la part des jeunes actifs", assure le maître des lieux, Nicolas Macher. Ce dernier mise aussi sur l'interactivité : "Les clients suggèrent des recettes de croque-monsieur. Après un vote, la recette plébiscitée est intégrée au menu le mois suivant."

… ou nouveau snacking ?

Certaines enseignes préfèrent néanmoins miser sur la vente à emporter. C'est le cas de Madame croque-monsieur, fondé à Nantes fin 2012. Avec ses 20 places assises, le créateur, Paul Pastré, a préféré axer son offre autour de formules déjeuner (entre 6,50 € et 10,30 €). Au menu : dix croque-monsieur (saumon, bolognaise, camembert…) et un croque du jour (porc au caramel, poulet au curry…). Un concept apprécié par une clientèle de bureaux et les étudiants.

La Maison du croque-monsieur, ouverte il y a un an à New York, a choisi un positionnement similaire. L'enseigne est signée Alberto Benenati et Yves Jadot, deux serial-restaurateurs à la tête d'une dizaine d'établissements dans la Grosse Pomme. "Dans le menu de notre restaurant Petite Abeille, le croque-monsieur se vendait très bien. Lorsque nous avons eu l'opportunité de reprendre un petit local plein d'atmosphère, nous avons tout de suite eu l'idée du croque-monsieur à emporter", explique Alberto Benenati. Le local en question est une ancienne imprimerie où vécut la femme de lettres Anaïs Nin. Les quinze croque-monsieur (dont certains sont végétariens ou sucrés) portent tous le nom d'un des amants de l'écrivain - "une véritable croque-monsieur", plaisante le propriétaire. Le premier point de vente, ouvert uniquement durant la journée, attire nombre d'étudiants avec son ticket moyen à 10 $ (7,30 €). Prochaine étape : créer une adresse à Manhattan "pour tester la clientèle de bureaux" et une troisième à Paris, dans le quartier de Montparnasse, dès mars 2014. La franchise est aussi en ligne de mire.