Pour la 9e année, l'Institut européen d'histoire et des cultures de l'alimentation (IEHCA), agence scientifique créée en 2001 et associée à l'université de Tours, a organisé son "université ouverte" à Tours (37) du 7 au 9 novembre. Pour montrer que "cuisine rime avec culture", les Rencontres François Rabelais réunissent tout un aréopage de chefs, chercheurs, universitaires ou entreprises, venus analyser les nouvelles tendances de la gastronomie. Cette année, l'IEHCA a choisi un thème on ne peut plus actuel "Fait maison ou pas ?", avec cette question : "le fait maison va-t-il se substituer progressivement au prêt à manger ?" Un forum avec une double interrogation : comment la "vraie" cuisine fait son retour dans les familles et comment la restauration se réapproprie le fait maison avec une approche artisanale et professionnelle. Le retour de la cuisine familiale dans les foyers est porté par la télé-réalité, l'implication des enfants dans nombre de programmes pédagogiques mais aussi par le développement de robots professionnels comme le Thermomix.
Un outil de valorisation
"Cette évolution récente développe aussi une curiosité et une exigence qui questionnent la réalité des pratiques actuelles", explique ainsi Laurent Aron, professeur associé à Ferrandi (Paris, VIe). Alors que le Gouvernement souhaite développer un label 'fait maison' pour les restaurants - qui a été retoqué par le Sénat en septembre et sera de nouveau discuté à l'Assemblée nationale dès le 19 novembre -, l'évolution interroge notamment sur la définition du restaurant. "Elle n'est pas sans poser problème dès que l'on tente d'en saisir les limites : où commence, où s'arrête le métier de cuisinier ? Le fait maison a-t-il un goût ?", questionne l'IEHCA. Assurément, répondent les professionnels présents. Des mouvements se développent d'ailleurs comme la charte 'viennoiseries 100 % maison' lancée par les professionnels de Loir-et-Cher. Mais le mouvement commence aussi dans la restauration collective ou dans l'industrie des plats préparés. "Confrontés à ce changement, les industriels et les distributeurs s'adaptent et offrent de plus en plus de produits faits maison : argument marketing ou véritable mouvement de fond ?" a interrogé Nathalie Avalonne, universitaire à Tours. L'irruption du fait maison interpelle aussi la profession avec le développement des chefs à domicile ou de l'apprentissage qui passe par de multiples canaux : télé, internet, ateliers.
La profession doit donc relever ce défi et se réapproprier le fait maison comme pratique, comme image et comme outil de valorisation. Faut-il pour autant aller vers une "gastronomie autarcique" où les chefs, comme Alain Passard, cultivent une grande partie de leurs légumes ou de leurs animaux à viande ? Des interrogations qui seront renouvelées l'an prochain pour le 10e anniversaire des rencontres François Rabelais avec la création annoncée par Marc de Ferrière, président de l'IEHCA, d'un "festival international des cours de cuisine" afin de "diffuser et de transmettre la culture de l'alimentation."
Publié par Jean-Jacques TALPIN