En octobre 2004, 23 tonnes de produits avariés sont saisis par les services vétérinaires de Paris et la 12e section des services des renseignements généraux. Ces denrées étaient destinées à des traiteurs et restaurants chinois d’Île-de-France. “La profession a payé cher ce scandale avec une baisse de 30 % de l’activité”, se souvient Henri-Michel So, propriétaire de restaurants chinois à Paris et précurseur du futur retour en grâce de la restauration asiatique en France.
95 % de la restauration asiatique en France est chinoise
“Nous avons créé en 2006 l’Union des hôteliers, restaurateurs et cafetiers asiatiques [UCHRA] sur la proposition de Christian Navet, président, alors, de l'Union patronale de l'industrie hôtelière [Upih]. L’idée était de fédérer et de respectabiliser la profession autour d’un label de qualité. Ce ne fut pas simple en raison des rivalités d’origines et de communautés. Notre histoire est liée aux vagues migratoires. Dans les années 1950, ce sont les Indochinois qui se sont établis en France. Issus des anciennes colonies, ils parlaient français. Dans les années 1990, ce sont des Chinois, fuyant en particulier la province pauvre du Tieu Chiew, qui sont arrivés grâce aux programmes de régularisation initiés par François Mitterrand. Aujourd’hui, 95 % des restaurants asiatiques sont chinois, y compris les enseignes japonaises”, analyse Henri-Michel So.
Parallèlement à l’action syndicale, les lois ont bouleversé les usages du secteur. Un décret de 2006 oblige les restaurateurs à se soumettre à un stage pour l’obtention du permis d’exploitation. Une première étape. Des formations en mandarin sont mises en place et s’intensifient en 2010 avec l’obligation de se former à l’hygiène. Henri-Michel So a formé plus de 2 000 stagiaires chinois à la stricte propreté et la marche en avant : “Depuis 2010, tout nouvel établissement ne peut pas échapper à un contrôle sanitaire dans les quatre mois. De quoi changer les mentalités !”
Un secteur qui s’est organisé avec ses propres circuits
De un ou deux en 2000, les fournisseurs seraient désormais une trentaine, capables de livrer chaque jour des produits frais, surgelés ou des boissons. Beaucoup de denrées asiatiques sont maintenant cultivées en Espagne comme le chou chinois ou le basilic thaï. La restauration asiatique reste un format populaire. Les établissements étoilés demeurent rares mais la notoriété des chefs, en particulier ceux de Hong Kong, reste déterminante pour convaincre les investisseurs. “Aujourd’hui, les restaurants chinois sont entièrement conçus en Asie. Il suffit d’avoir un local, des plans et des mesures et tout arrive de Chine par containers, 60 % moins cher : la décoration, les équipements”, observe Henri-Michel So.
Publié par Francois PONT