La tourte, une recette de grand-mère ? Que nenni ! Bien loin de la vision désuète que certains ont encore, les charcuteries pâtissières sont plus que jamais sur le devant de la scène culinaire. Emblème du terroir et de la gastronomie française (et britannique), elles font aujourd’hui l’objet d’un réel regain d’intérêt de la part de la nouvelle génération de restaurateurs et de consommateurs.
De plat paysan à coqueluche des menus
Les charcuteries pâtissières ont une drôle d’histoire : parfois boudées et reléguées comme plat paysan, elles peuvent ensuite figurer sur la carte des plus grands restaurants gastronomiques le siècle suivant. C’est le cas du pâté en croûte, qui connaît aujourd’hui un regain d’intérêt sans précédent, en témoigne le championnat lyonnais qui lui est dédié chaque année.
La tourte et le pithiviers ont connu le même sort. Calum Franklin, ancien chef au Rosewood London, en fait la découverte en 2018 alors qu’il tombe par hasard sur d’anciens moules à tarte dans le sous-sol de l’établissement. “J’ai demandé autour de moi si quelqu’un savait s’en servir, mais personne ne connaissait la technique, j’ai trouvé ça dommage”, raconte-t-il. Il se penche alors sur d’anciens ouvrages pour découvrir des recettes d’antan. “C’est comme cela que j’ai découvert que les tourtes avaient connu beaucoup de cycles à travers le temps et les régions.” Le chef décide alors de remettre au goût du jour ce mets centenaire, un succès qui l’a amené à ouvrir récemment son propre établissement, Public House, à Paris, dans lequel il propose de nombreux plats britanniques dont les fameuses pies.
Pourquoi cet engouement ?
La cuisine n’échappe pas aux effets de mode et à ses cycles, mais ce n’est pas la seule explication à cet engouement. “Depuis l’industrialisation, les ingrédients sont devenus de moins bonne qualité, plus simples car moins chers”, remarque le chef Calum Franklin. Mais le fait-maison, la mise en lumière des savoirs régionaux et l’envie de bons produits ont remis sur le devant de la scène ce type de mets.
Autre point important : ces charcuteries pâtissières sont généralement très esthétiques, un détail qui a son importance. “Tout ce qui est en chausson, en pâte, c’est instagrammable. Quand on découvre l’intérieur, les strates à l’ouverture, il y a un effet waouh !”, confirme Albane Auvray, co-fondatrice de Groot la tourte ouvert en novembre dernier. Hugo Riboulet et elle misent même dessus : “Ça fait partie de notre communication. Un bon fromage fondant en hiver ou une belle truite avec des légumes verts en été, ça rend bien”.
Des plats saisonniers, chronophages et coûteux
Pâté en croûte, pithiviers, bœuf Wellington… Étonnant de mettre à sa carte des plats si chronophages et coûteux, Albane Auvray en atteste : “une tourte, ça prend énormément de temps à faire et puis les matières premières sont assez chères.” Avec des tourtes à partir de 15,90 €, difficile d’y trouver son compte. Même son de cloche du côté de Public House : “Une tourte demande une journée de travail entre la pâte, la farce, la cuisson, le repos, les sauces… À 20 €, on propose un très bon rapport qualité-prix”, souligne Calum Franklin.
La solution ? Des produits de qualité et de saison abordables et une clientèle fidèle au rendez-vous. C’est le cas chez Groot la tourte, qui a su trouver un public enthousiaste rapidement. Avec quatre recettes proposées, Hugo Riboulet et Albane Auvray préparent ainsi une centaine de tourtes chaque jour et vont même ouvrir un Click and Collect pour répondre à la demande croissante.
Publié par Ingrid BOINET