Le sotolon ? C'est un composé dont les molécules sont petites… mais très odorantes. Selon les concentrations, on sent la noix, le curry, le fenugrec, le caramel, la brioche, le champagne… et il est effectivement présent dans ces ingrédients. Mais pourquoi ne pas l'utiliser seul, en solution dans un diluant neutre telle l'huile ?
Commençons par décrire le composé : à l'état pur, c'est un produit transparent, un peu huileux, avec une odeur si forte qu'on le sent même quand le flacon fermé est enfermé dans un bocal, placé dans un autre bocal. Ses molécules sont toutes simples, avec un groupe de quatre atomes de carbone et un atome d'oxygène liés les uns aux autres en un cycle hexagonal, plus quelques atomes de carbone, oxygène ou hydrogène qui « hérissent » ce cycle. C'est un composé de la famille des lactones, des composés qui doivent leur nom du fait qu'ils dérivent (indirectement) du lactose, le sucre du lait, transformé en acide lactique par des bactéries, notamment dans les yaourts.
Mais voilà bien de la chimie aride, et, pour ce qui nous concerne, il suffit de signaler que les lactones ont, selon leur taille, des odeurs herbacées, de noisette, de noix de coco, de pêche ou de beurre, par exemple. Inutile d'ajouter que ces composés sont très largement utilisés par la parfumerie et par les fabricants d'extraits et de compositions odorantes pour l'alimentaire.
Pourquoi l'utiliser ?
Ce qui est utile à signaler, c'est que le sotolon se trouve aussi dans le champagne : on se souvient qu'il faut tourner les bouteilles d'un quart de tour régulièrement, la bouteille ayant le goulot vers le bas, pour faire progressivement tomber les levures mortes, qui seront dégorgées. Là encore, il y a du sotolon… et c'est l'origine du goût de brioche de certains champagnes.
C'est aussi, bien sûr, le goût de brioche des brioches ! Les levures qui font pousser les brioches meurent quand leur action est finie, libérant du sotolon… et voici pourquoi plusieurs pousses successives donnent plus le goût de brioche aux brioches, mais aussi aux kougelhopfs.
Bref, le sotolon est dans de nombreux produits fermentés… mais pourquoi se fatiguer à faire des fermentations alors que l'on dispose du produit tout seul ? Pourquoi ne pas ajouter du sotolon dans une brioche fermentée une seule fois, afin d'éviter l'acidité qui résulte de plusieurs fermentations ? Pourquoi ne pas, même, en mettre dans des plats, pour avoir des notes puissantes ?
Les précautions à prendre
Comme je l'ai dit, le sotolon pur, bien que peu coûteux, doit être dilué pour être utilisé. Et c'est là que l'on verra un bon fabriquant et un mauvais fabriquant. L'odeur du produit pur est si forte que même de très petites quantités - de l'ordre de quelques parties par million - sont parfois excessives. Et, d'autre part, la note odorante change selon la concentration. Il faut donc que le producteur ait bien testé ses dilutions, sans quoi on n'a pas quelque chose d'agréable.
Quant à l'utiliser pur, c'est hors de question : ma famille sentait immédiatement quand je rentrais d'un cours ou d'une conférence où j'avais manipulé le produit, et mon coffre de voiture a empesté le sotolon pendant des mois.
Bref, il nous faut de bons ingrédients (comme pour les viandes, qui doivent être correctement rassises, ou le sucre, qui doit être bien raffiné, par exemple).
Quelques idées techniques
• Dans une pâte à brioche, en fin de pointage, on ajoute une petite quantité de sotolon, pour renforcer la note de brioche. Bien rabattre la pâte afin d'intégrer le produit, avant la seconde fermentation et la cuisson. Éventuellement, en fin de cuisson, pulvériser la solution de sotolon (avec un spray) sur la base de la brioche.
• Dans un curry d'agneau, en fin de cuisson : quelques gouttes d'une dilution de sotolon en toute fin de cuisson (ne pas faire cuire, sans quoi le composé odorant s'évaporerait en pure perte).
• Dans une tarte aux noix, une petite quantité de sotolon fait merveille.
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Publié par Hervé THIS