Les hôteliers vent debout contre le projet de hausse des taxes

Les professionnels de la capitale parlent de double peine, car au relèvement du plafond de la taxe de séjour s'ajoute une taxe de 2 € par nuit et par personne, destinée à financer les transports du Grand Paris.

Publié le 02 juillet 2014 à 11:17

Cinq jours après la clôture des assises du tourisme, entre le mercredi 25 et le jeudi 26 juin, les députés ont adopté un premier amendement portant le plafond de la taxe de séjour à 5 € pour les hôtels 3 étoiles et 8 € pour les hôtels 4 et 5 étoiles. Les professionnels parisiens parlent de double peine, car au relèvement du plafond de la taxe de séjour s'ajoute une taxe de 2 € par nuit et par personne, destinée à financer les transports du Grand Paris. 

Paul Roll, ancien directeur général de l'Office du tourisme et des congrès de Paris, aujourd'hui hôtelier et porte-parole de l'Union des hôteliers indépendants (un groupement économique d'hôtels, affiliés aux différentes organisations professionnelles) estime que "ces mesures sont aberrantes dans le sens où elles montrent une méconnaissance du secteur, qui avait pourtant été présenté lors des assises du tourisme comme l'un des plus dynamiques en France, avec effet de levier sur la croissance". Pour lui, "cette décision fait preuve de l'amateurisme de la part d'un Gouvernement qui n'a pas préparé le dossier. Elle intervient de surcroît au plus mauvais moment, avec les vacances et l'arrivée en masse des touristes internationaux. La seule bonne nouvelle, c'est que la mesure a été désavouée par Laurent Fabius [ministre des Affaires étrangères en charge du tourisme, NDLR] lui-même et c'est plutôt rassurant."
 

Une décision "insupportable" pour le groupe Accor

Sébastien Bazin, p.d.-g. du groupe Accor, a lui aussi réagi très violemment le week-end dernier, en prenant la parole dans le Journal du Dimanche et en s'élevant contre les nouvelles taxes. "Ces décisions sont iniques, insupportables et dangereuses", a-t-il déclaré, ajoutant que l'impact sur les marges des entreprises et sur la destination touristique France sera très négatif. "Pour certains entrepreneurs, 80 % de la marge réalisée par leur hôtel va être anéantie." Pour le p.d.-g. du groupe Accor comme pour tous les hôteliers, "la relation de confiance est rompue avec le Gouvernement", une critique d'autant plus grave qu'il est lui-même engagé dans un vaste processus de transformation du groupe, le conduisant à "embaucher, former, innover et investir".

Pour Christophe Alaux, directeur général d'Hôtel Services France chez Accor, l'annonce des nouvelles taxes a fait l'effet d'un tsunami. "Depuis quatre mois, tout le monde travaille de concert, le Gouvernement, les petits hôteliers comme les grands, les chaînes intégrées comme les indépendants, les banques comme les grands magasins, dans un seul but : renforcer l'attractivité de la France. Pour la première fois, il y avait une réelle reconnaissance du poids du tourisme comme un secteur qui créée de la croissance, de la richesse et des emplois, un secteur qui représente 7 % du PIB et 2,3 millions d'emplois directs et un million d'emplois indirects et qui croît de 6 % par an. Tout cela pour quel résultat ? Pour qu'une poignée de députés fasse passer un projet de loi destiné aux hôtels, sans aucune concertation."

Pour le directeur général, "C'est totalement scandaleux. Tout le monde est vent debout contre cette taxe, qui s'ajoute à l'augmentation de la TVA qui a été relevée deux fois en trois ans". Une menace sur l'emploi et sur les investissements, ce qui risque d'avoir des conséquences sur l'attractivité de la France toute entière. "Dans tous les cas de figure, si la loi passe, cela va remettre en cause tout une série de décisions annoncées par les entreprises, sur l'investissement mais aussi sur l'apprentissage et sur l'emploi. À titre d'exemple, le groupe Accor doit recruter plus de 2 000 personnes par an. Des décisions qui risquent d'être grandement retardées."

Le directeur général rappelle toutefois que "tous les membres du Gouvernement ont déclaré que le tourisme était un secteur porteur, qu'il s'agisse du président de la République, du Premier ministre, et des trois ministres, Laurent Fabius, Fleur Pellerin et Arnaud Montebourg. Nous espérons que Laurent Fabius, qui s'est indigné de cette proposition de loi, va pouvoir se faire entendre."

Enfin, Christophe Alaux rappelle qu'en termes d'hébergement, tout le monde est loin d'être égal. "Alors que l'on taxe les hôteliers, pourquoi des sociétés comme AirB&B sont-elles autorisées à distribuer 30 000 chambres sur Paris sans être imposées notamment sur la taxe de séjour ?" Il s'interroge sur le fait de faire peser uniquement sur les hôteliers les travaux destinés à améliorer les transports en Île-de-France. "La France serait l'unique pays en Europe à faire financer ses travaux d'infrastructure par une taxe de séjour." Pour le directeur général, il est impensable de balayer quatre mois de travaux. "On ne se laissera pas faire et on le fera savoir."

Pierre-Frédéric Roulot, p.d.-g. de Louvre Hotels Group, voit un risque d'extinction de la petite hôtellerie. "Après l'augmentation du taux de TVA à 10 %, l'augmentation de la taxe de séjour puis celle de 2 € envisagée pour payer les transports franciliens vont définitivement plomber l'hôtellerie, surtout petite et milieu de gamme. Pour une chambre à 50 € en catégorie économique, cela va représenter 5 € sur le prix, soit 10 %. Alors que les hôteliers luttent contre l'augmentation des commissions prélevées par les agences de voyages en ligne, qui leur a procuré une profitabilité négative, et qu'ils tentent de se mettre en conformité avec la loi sur l'accessibilité, c'est une catastrophe. C'est méconnaître la réalité car l'hôtellerie moyenne gamme et économique est justement remplie à 95 % par la clientèle domestique. Si les hôteliers répercutent cette hausse sur les chambres alors que les ménages et les sociétés sont en train de diminuer leurs dépenses, cela va entraîner mécaniquement une baisse de fréquentation. Je pense qu'avec de telles mesures, on veut simplement la mort de la petite hôtellerie indépendante."


Publié par X. S.



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