Les réductions de cotisations sont-elles une trappe à bas salaires ?

En augmentant le salaire d'un salarié payé au smic, l'entreprise subit aussi une réduction des allègements de cotisations sociales. Ce mécanisme, qualifié de 'trappe à bas salaires', n'inciterait donc pas les employeurs à augmenter les bas salaires. Mythe ou réalité ?

Publié le 08 novembre 2021 à 12:29

L’association Finances publiques et économie (www.Fipeco.fr) s’est penchée, en août 2021, sur les allègements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires. Dans son analyse, elle fait le point sur le dispositif actuel, et présente les avantages théoriques de ces allègements et les évaluations empiriques de leur impact sur l’emploi. Elle aborde enfin deux critiques fréquentes de ce dispositif : la création de trappes à bas salaires et l’existence d’effets d’aubaine pour les entreprises. Extraits.

 

La réduction générale de cotisations

Les employeurs peuvent bénéficier d’une réduction générale de cotisations patronales sur les rémunérations annuelles n’excédant pas 1,6 smic. Cette réduction s’applique sur les cotisations et contributions patronales d’assurance sociale, d’allocations familiales, d’accident du travail, de Fnal, de solidarité autonomie (CSA), d’assurance chômage et de retraite complémentaire légalement obligatoires (Agirc-Arrco).

La réduction correspond, au niveau du smic, à une exonération totale des cotisations et contributions sur lesquelles elle porte. Ce montant est ensuite réduit dégressivement jusqu’à 1,6 smic.

Malgré de nombreuses évolutions au niveau du mode de calcul ces dernières années, le principe est resté inchangé : réduire le niveau des charges sur les salaires les moins élevés.

 

Les avantages d’un allègement sur les bas salaires

Une baisse des charges sociales correspond à une diminution du coût du travail pour les entreprises. Quand cette baisse est ciblée sur les bas salaires, elle a un impact plus favorable sur l’emploi, car elle ne donne pas lieu à une hausse des salaires bruts.

De plus, le nombre d’emplois créés par euro consacré aux allègements de cotisations est mécaniquement plus important si ceux-ci sont ciblés sur les bas salaires. Un allègement de 1 000 €, par exemple, représente une baisse du coût du travail dix fois plus forte pour un ouvrier au smic que pour un cadre supérieur dont la rémunération est dix fois plus élevée.

 

Une solution pour réduire le chômage des personnes peu qualifiées

Le taux de chômage selon le diplôme en 2019 (en raison de la crise sanitaire, les chiffres de 2020 ne sont pas significatifs) est de 15,8 % pour les personnes sans diplôme, 9,1 % pour celles avec un CAP ou un BEP, 5 % pour celles avec un bac + 2 et 5,2 % pour les titulaires d’un diplôme supérieur.

Dans beaucoup de pays, l’ajustement entre l’offre et la demande de travail s’est fait par une baisse des salaires bruts des travailleurs non qualifiés. La France a choisi de fixer le salaire minimal au niveau le plus élevé d’Europe par rapport au salaire médian (ou moyen), pour limiter le nombre de travailleurs pauvres, et de diminuer le taux des cotisations sociales au niveau du smic, afin de limiter son coût pour les entreprises. Ces allégements de charges participent donc d’une politique de solidarité envers les personnes les moins qualifiées. Ils leur permettent notamment de trouver des postes dans le secteur des services, où les gisements d’emploi sont considérables pour peu que le coût du travail ne soit pas un obstacle à l’embauche.

 

Les évaluations des effets sur l’emploi

L’évaluation des effets sur l’emploi d’une politique publique consiste à comparer le nombre effectif d’emplois dans l’économie au nombre d’emplois qui aurait été constaté si cette politique n’avait pas été mise en œuvre. Plusieurs méthodes peuvent être utilisées, mais elles présentent toutes des éléments de fragilité.

Les allégements de cotisations patronales sur les bas salaires constituent l’une des politiques publiques ayant fait l’objet du plus grand nombre d’évaluations avec les méthodes les plus diverses. Leurs résultats sont très différents, mais ils sont tous positifs s’agissant des effets sur l’emploi, ce qui n’est pas très fréquent dans les évaluations de politiques économiques.

Les créations d’emplois sont comprises entre 10 000 et 100 000 pour un coût budgétaire brut ex-ante d’un milliard d’euros, c’est-à-dire sans tenir compte des recettes fiscales et sociales permises par ces créations d’emplois, ni des effets négatifs des autres prélèvements obligatoires qu’il faut lever pour financer la mesure.

Une note du conseil d’analyse économique de janvier 2019 confirme que les baisses de cotisations sociales patronales ont des effets significatifs sur l’emploi lorsqu’elles sont limitées aux salaires inférieurs à 1,6 smic.

 

L’effet de trappe à bas salaires

L’effet de ‘trappe à bas salaires’ généré par les allégements de cotisations sur les bas salaires peut être décrit de la manière suivante : si une entreprise augmente de 1 % le salaire brut d’un employé et si celui-ci est proche du smic, ses cotisations sociales et sa charge totale augmentent de plus de 1 %, parce que la réduction sur les cotisations diminue. En conséquence, les entreprises sont incitées à ne pas augmenter les salaires et les salariés sont moins encouragés à améliorer leur productivité ou à se former pour obtenir un poste plus qualifié.

Cet effet indésirable peut être réduit en repoussant le point de sortie du dispositif au-delà de 1,6 smic. En effet, la réduction sur les cotisations diminue alors moins vite au fur et à mesure que le salaire brut augmente. Cependant, repousser le point de sortie a deux inconvénients importants : le coût budgétaire est plus élevé et l’efficacité du dispositif - le nombre d’emplois créés par euro dépensé - diminue car il touche des personnes de plus en plus qualifiées.

Un arbitrage est donc nécessaire entre les effets de trappe à bas salaires, d’un côté, et le coût et l’efficacité, d’un autre côté. Les études existantes, assez rares, montrent que les effets de trappe sont significatifs mais faibles et suggèrent que le dispositif actuel constitue un compromis satisfaisant.

Le document constate que ces allégements sont néanmoins centrés sur les bas salaires et les emplois peu qualifiés, surtout dans les services et commerces, mais il considère que le rétablissement de la compétitivité des entreprises françaises impose plutôt une élévation du niveau de qualification de la population active et une baisse des prélèvements obligatoires sur les entreprises les plus exposées à la concurrence internationale. 



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