Les Relais Routiers, un autre regard sur la restauration

A l'heure du débat sur les produits frais ou industriels, à une époque où l'accueil est sollicité, attendu, réclamé, il existe une catégorie d'établissements qui s'appuient au quotidien sur ces deux piliers : une cuisine simple, 'très très' souvent fraîche, familiale et un accueil de bon aloi, les Relais Routiers.

Publié le 01 octobre 2013 à 14:33

Les relais routiers, ceux qui appartiennent au réseau historique, sont reconnaissables au panonceau bleu et rouge dont le O de routier écrit en blanc représente un pneu. A l'origine, François de Saulieu. Ce collaborateur du journal Paris Midi doit relier Paris à Marseille à bord d'un camion. Nous sommes au début des années 30, c'est le début des transports par la route. Il faut une semaine pour couvrir le trajet, sans autoroute ni radar. François de Saulieu découvre alors l'univers non organisé des « rouliers » ou « camionneurs ». Lui vient alors l'idée défendre ce corps de métier. Avec le journaliste Louis Navières il crée un journal, Les Routiers (le terme veut dire bâtisseur de la route) qu'il dépose dans les restaurants où les chauffeurs s'arrêtent : les Relais Routiers sont nés. « Pour sélectionner les établissements, explique Laurent de Saulieu, aujourd'hui directeur de la chaîne des Relais Routiers, mon grand-père procédait de plusieurs façons. A l'heure des repas, il cherchait les lieux où il y avait le plus de camions stationnés. Sinon, il repérait sur les parkings des restaurants les tâches d'huile ou de gazole. Il y avait aussi le bouche-à-oreille ». Le Cheval Noir, sur la Nationale 6, à Champagne-au-Mont-d'Or, a été le premier restaurant à recevoir le titre et le panneau. « L'établissement a été pendant plus de 50 Relais Routier. L'arrivée de l'autoroute a changé la donne et puis surtout il n'a pas survécu à un arrêté interdisant le stationnement des camions à proximité de chez lui. C'est un problème qu'un certain nombre d'établissements rencontrent des villes qui se mettent à interdire le stationnement des poids lourds dans leur commune, ou les dévient de certains axes. Beaucoup de Relais ferment à cause de ces mesures ». Ils ont été jusqu'à 4 500. Il y en avait dans Paris – deux ont conservé l'enseigne, près de la gare Saint-Lazare et Porte de la Chapelle, même si la clientèle n'est plus pour eux celles des routiers... « Ce sont des irréductibles, porteurs d'une autre époque, du souvenir des Halles » sourit François de Saulieu. Il en existait même en Algérie. « Le premier déclin vient de la création des autoroutes. La force d'un relais, c'est sa capacité à reconnaître le conducteur, à lui servir des bons produits à prix raisonnable. L'accueil est essentiel. Sur autoroute, c'est difficile, il y a trop de va-et-vient.» Le guide 2013 en compte autour de 1 000 Relais. Un chiffre stable ces dernières années « malgré toutes les nouvelles normes qui fait beaucoup de mal aux plus petits d'entre eux ». Quand les 35 heures sont arrivées, Jean-Christophe Carcenac, patron du Relais Routiers Les Farguettes, à Saint-Gemme, dans le Tarn, a été contraint de fermer le samedi et le dimanche, faute de moyens. Notre homme a subi ensuite la déviation de la nationale et l'impossibilité d'installer un panneau indicatif sur la voie publique. L'hôtelier-restaurateur a tenu bon en se diversifiant avec le tabac et la Française des Jeux, en étant fidèle à ses principes de bon accueil. Ce qui caractérise en effet les Relais Routiers, c'est l'accueil dans sa dimension humaine, conviviale et la capacité à servir de bons produits à prix abordables. C'est chez eux que le frais prend toute sa dimension. A l'heure où l'on parle label, appellation, reconnaissance, le Relais Routier, pour se différencier et maintenir le cap n'a d'autre choix que « le bon, le simple, la cuisine familiale » dit-il. Même le plus grand restaurant routier de Franche n'échappe pas à la règle. Repris en 2006 par Dominique Thomas, l'Escale Village, qui se dresse à côté de l'aéroport de Châteauroux-Déos (36), est ouvert 24 heures sur 24, sert jusqu'à 800 couverts/jour et emploie 80 salariés. Relais Routier depuis la fin des années 30, cet établissement emblématique dans la région a reçu le titre de Maître Restaurateur au printemps. Le premier menu démarre à 11,25 euros. Tête de veau, pâté de tête, poisson au beurre blanc… Les productions locales sont éminemment privilégiées.

Sourire et convivialité

Corinne Bertrand a repris en 2010 un Relais Routier qui avait fermé ses portes. L'établissement, situé sur la nationale 60, entre deux sorties d'autoroutes (A4 et A5) à Paisy Cosdon (10). Une nouvelle vie pour Corinne qui a débuté comme coiffeuse avant de reconvertir dans l'activité traiteur aux côtés d'un mari boucher. « J'avais envie de faire un restaurant qui pouvait me permettre de poursuivre mon activité de traiteur. Quand j'ai acheté la Table d'Othe, tout était à reconstruire car il n'y avait plus de clientèle. » L'établissement, à l'écart de la commune, possède son propre parking. « Le routier aime une cuisine simple, traditionnelle, il est très attaché à la qualité de produits. Une bonne viande, du bon pain, des légumes frais. » Pas de carte ici mais un menu sans cesse renouvelé avec un buffet d'entrées et deux plats du jour au choix à 12 euros. Ajoutez à cela des dîners à thème une fois par mois : barbecue géant, choucroute… Et des spécialités comme le gratin d'andouillette au Chaource ou encore la Tête de veau. Corinne accueille les routiers dès 6 heures. « Je suis là pour le petit déjeuner. S'ils dorment dans leur véhicule, ils viennent prendre leur douche, leur café tartine ou café croissant. Je me suis aperçue que c'était important pour eux que je sois là. Je suis un peu une maman, on les prend un peu en charge. » Le soir, José, son époux, tient le bar. « Le midi, on a d'autres clientèles qui viennent déjeuner mais au dîner, ce sont que des routiers. Avec un homme derrière le bar, ils plaisantent. Là encore, ce qu'ils aiment, c'est la convivialité, la simplicité. Ils se sentent chez eux, ils regardent la télé, ils vont et viennent. Notre établissement, c'est leur deuxième maison quelque part ». Dans la salle principale, de grandes tablées avec de la toile cirée, des couleurs claires, une décoration tout en simplicité et propreté. « La propreté est très importante aux yeux des routiers » ajoute Corinne Bertrand. Jean-Luc Ponteau est à la tête du Petit Fossard, situé sur la D606, à l'angle de la D105, à Varennes-sur-Seine, en Seine-et-Marne. On est à la sortie d'une importante zone commerciale avec notamment un entrepôt France-Boisson. L'établissement, qui avait eu son heure de gloire, était en baisse quand il en prend les rênes. Jean-Luc Ponteau est un professionnel curieux, qui a géré des restaurants en Suisse, en Thaïlande, en Angleterre… Le challenge désormais, un Relais Routier qui fait hôtel. « J'ai plusieurs types de clientèles, plusieurs types de transporteurs. Je suis ouvert le dimanche car j'ai les céréaliers. A midi, j'ai les employés des sociétés et des routiers. Le soir, ce sont essentiellement des routiers. » L'établissement tourne désormais entre 110 et 120 couverts/jour. « Bien manger est important pour cette clientèle. Je vais à Rungis une fois par semaine. Il faut que ce soit frais et généreux. » La mayonnaise comme la vinaigrette sont faites maison. Les fruits proposés sont uniquement de saison. « J'ai reconstitué la clientèle par le bouche-à-oreille. Ce qu'il faut, c'est être à leur écoute, les dépanner quand ils en ont besoin. Après une nuit dans le camion, il faut que le petit déjeuner soit réconfortant.  Quand ils viennent, c'est pour se détendre. Contrairement aux idées, reçues, les routiers ne sont pas bourrus. Ce sont au contraire des personnes gentilles et sympathiques. Et je vous rappelle qu'il y a des femmes parmi les routiers ». Jean-Luc Ponceau ajoute « ce sont des gens qui bossent et qui respectent les gens qui travaillent. Par contre, les chichis, ça ne les intéresse pas. » En revanche, le sourire et la gentillesse font bien la différence.
Un certain nombre de Relais Routiers sont tenus par des femmes comme Annelise Scheler (Le Relais de Pontigny) à Pontigny (89), Imma Amit (Le Relais Saint-Christophe) à Avallon (89), Catherine Pau (Au Bon Accueil) à Niort (79), Isabelle Judes (Le Relais des Minières) à Payre (86)… "Ce n'est pas parce qu'on a une clientèle majoritairement masculine qu'un routier doit être dirigé par un homme" témoigne l'une d'entre elles. "C'est comme dans un bistrot, la femme pondère et sait calmer les excès". A l'instar des autres guides, celui des Relais Routier décerne une distinction : 'la casserole' qui met en avant des coups de coeur. La qualité des plats et la douceur des tarifs font partie du jeu. « Un Relais Routier doit obligatoirement servir à prix raisonnable et on doit s'y sentir accueilli » termine Laurent de Saulieu. Un maillage où il fait bon vivre.


Publié par Sylvie SOUBES



Commentaires
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Aubergiste du Sud-Ouest

lundi 23 septembre 2013

il me semble que c'est 'l'accueil' qui est sollicité, attendu, réclamé... et non pas 'l'accueille'... :)
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Phil

lundi 23 septembre 2013

Enfin des mots pour le dire...Nos députés et sénateurs ont beaucoup de mal pour parler de la cuisine traditionnelle, simple, franche, fraîche et généreuse à prix maîtrisé....C'est vrai que l'on ne les voit pas très souvent sur nos parkings ou dans nos établissements. Ils ne savent pas ce qu'ils ratent, tant pis pour eux.
Nous sommes une 'race' qui a effectivement bien failli disparaître mais nous avons aujourd'hui toutes les raisons de continuer et de prospérer. Allez, je retourne faire un peu de bruit dans ma cuisine avec les russes, les fouets et les chinois à piston !
Au fait, merci pour cet article que j'attendais depuis longtemps.
Phil

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