L'année 2023 aura été riche en ouvertures d’adresses londoniennes par des Français. Pour preuve, Yannick Alléno, Mauro Colagreco, le groupe Bagatelle, mais aussi l’Experimental Group et le groupe Big Mamma : tous ont ouvert une nouvelle table, voire plusieurs tables à Londres cette année. Dernier en date à s’être lancé dans l’aventure outre-Manche, le groupe Daroco a quant à lui inauguré Daroco Soho mi-octobre. “Londres est une ville qui nous plaît énormément ; y ouvrir une table représentait pour nous un nouveau défi”, confie ainsi Alexandre Giesbert, l’un des co-fondateurs de Daroco. “Et c’est une ville intéressante pour le business. Il y a beaucoup de concurrence, mais les restaurants qui y marchent fonctionnent très bien.” Si la concurrence est forte, ce que confirme Pierre-Charles Cros de l'Experimental Group, qui estime que Londres est “un marché très concurrentiel, avec un niveau élevé et beaucoup de concepts internationaux”, c’est aussi une capitale vibrante, où il se passe beaucoup de choses. “Londres est une ville à la pointe de la food, riche d’un incroyable multiculturalisme”, détaille ainsi Tigrane Seydoux, du groupe Big Mamma – dont l’implantation londonienne ne cesse de croître, avec deux nouveaux restaurants ouverts en 2023. Et “d’un point de vue pratique, c’est très simple de s’y rendre” depuis la France, ajoute Alexandre Giesbert. Au final, s’il “n’est pas facile d’ouvrir à Londres”, il n’en demeure pas moins que cette “scène culinaire est très dynamique, et on a la chance de pouvoir s’amuser avec de très beaux produits locaux”, conclut Yannick Alléno.
“Ouvrir dans un nouveau pays, c’est toujours un challenge”
Côté démarches administratives, Alexandre Giesbert note que les Anglais “sont un peu plus à cheval sur les procédures, et très contractuels. Ils ont beaucoup de normes à respecter, peut-être davantage qu’en France. Il y a aussi des taxes différentes. Pour la partie construction, la grande différence est qu’à Londres, tout doit être validé en amont par le propriétaire”. Pierre-Charles Cros estime pour sa part que si “certaines choses sont plus souples et rapides” à Londres, notamment en ce qui concerne “la gestion corporate, comptabilité et taxes”, les emprunts en revanche “sont beaucoup plus difficiles à obtenir. Les banques sont très exigeantes en termes de garanties, et les taux d’intérêt, plus hauts.” De plus, dit-il, “les loyers commerciaux sont très élevés, et s’ajustent fréquemment au marché, il n’y a donc pas le droit à l’erreur.” Tout l’enjeu d’une installation à l'étranger consiste de toute façon à “se familiariser avec de nouveaux codes, de nouvelles lois”, analyse Tigrane Seydoux ; “ouvrir dans un nouveau pays, c’est toujours un challenge.”
Une autre différence par rapport à la France concerne cette fois la façon de consommer des clients. “Les Anglais consomment davantage, notamment en ce qui concerne l’alcool. Surtout, ils commandent volontiers un cocktail avant le repas. Pour eux, il y a un côté vraiment joyeux et festif dans le fait d’aller au restaurant, ils y dépensent facilement”, note ainsi Alexandre Giesbert. “Les gens sortent plus tôt - un bar se remplit à 17 ou 18 heures -, mais finissent plus tôt également”, observe quant à lui Pierre-Charles Cros, qui confirme le fait que “les modes de consommation sont assez différents” à Londres. De fait, “il n’est pas évident de trouver un endroit pour y dîner après 22 heures !” Pour Yannick Alléno, qui constate lui aussi qu’à Londres, “les clients ont d’autres attentes”, s’adapter passe notamment par le fait d’adapter son offre : “Nous avons par exemple développé une offre tea time, car le restaurant s’adresse avant tout à une clientèle locale”, en effet friande de la tradition de l’afternoon tea.
Publié par Anastasia CHELINI