Maître d'apprentissage, tuteur : pas si simple

Accompagner les jeunes dans l'apprentissage demande, au-delà du permis de former et de l'investissement personnel, une logique d'entreprise.

Publié le 13 février 2019 à 11:56

Après deux ans de travail et de négociations entre partenaires sociaux, la profession obtenait en 2013 la mise en place du permis de former. Celui-ci avait deux objectifs : la montée en qualité de la formation par l’alternance et la diminution des ruptures de contrat. Cette formation obligatoire destinée aux tuteurs et maîtres d’apprentissage qui encadrent les alternants comprend aujourd’hui deux modules : une formation initiale de quatorze heures et une mise à jour de sept heures tous les quatre ans.

Le rôle joué par le tuteur ou le maître d’apprentissage est effectivement essentiel, mais en a-t-il conscience ? Jean-Luc Ploquin-Maurell, DDFPT à l’École de Paris des métiers de la table, intervient depuis plusieurs années auprès des candidats au permis de former. “Certains s’engagent dans cette voie par nécessité, d’autres par goût ; ils viennent d’horizons très différents. Je pense que le bilan est positif. Les gens sont dans l’échange, ils s’interrogent sur le cadre légal. Les nouvelles générations de professionnels font bouger les choses dans le bon sens. La réforme de l’apprentissage entamée l’an dernier est bien perçue.”

 

Manque de temps


Et même s’il existe encore des réticences sur l’idée de se former pour prendre un alternant, ce n’est pas la durée de la formation qui pose problème, mais le manque de temps à consacrer au jeune sur le terrain. “C’est quelque chose de récurrent”, insiste Jean-Luc Ploquin-Maurell. D’ailleurs, 27 % des professionnels qui ne prennent plus d’apprentis évoquent cette raison, et 43 % des professionnels qui n’ont jamais pris d’apprenti en parlent également*.

Une formatrice d’un autre grand CFA francilien pointe également du doigt le niveau d’exigence des entreprises, parfois en décalage avec la réalité. “[Elles] attendent des jeunes qu’ils soient opérationnels. Or, ce n’est pas possible. Rares, par exemple, sont les bacheliers qui parlent couramment l’anglais. Le jeune est là pour avancer et le tuteur ou le maître d’apprentissage pour l’aider, tout comme l’école. Même en anglais, c’est en travaillant dans l’entreprise, au contact de la clientèle, qu’il va pouvoir s’améliorer.”

“Diversité des besoins, des âges et des diplômes”

La formatrice soulève d’autres points qui freinent la bonne mise en œuvre de l’apprentissage : “Certaines employeurs préfèrent le format deux jours en école et trois jours en entreprise, d’autres préfèrent le rythme quinze jours-quinze jours. Ajoutez à cela la diversité des besoins, des âges et des diplômes…” Être tuteur ou maître d’apprentissage dans un grand groupe est “moins compliqué” aux yeux de certains, grâce aux ressources humaines qui cadrent, définissent, formalisent et permettent l’instauration d’un fil conducteur. L’apprenant et le tuteur, ou maître d’apprentissage, savent vers quoi ils tendent, quel que soit le métier, avec toutefois le risque de voir des tuteurs ou maîtres d’apprentissage “déléguer à d’autres personnes le soin d’accompagner l’apprenti”. En raison du manque de temps, une fois de plus.

Le processus se complique encore dans les petites entreprises, avec des personnes qui se retrouvent à tout devoir gérer : “pédagogie, quotidien professionnel, risques inhérents au poste, compréhension de l’entreprise et capacité du jeune à intégrer le monde professionnel”, souligne un indépendant. Une certitude, comme le constate une enquête BVA Fafih sur l’attractivité du secteur : l’abandon de la formation (cursus scolaire ou professionnel) est très fortement lié à une expérience douloureuse du monde de l’entreprise. Et cette autre certitude : l’apprenant doit rester un apprenant.

 


* Étude L’Hôtellerie-Restauration/CHD Expert 2018 sur l’apprentissage

L'apprentissage L'apprentissage #tuteur# Formation

 


Publié par Sylvie SOUBES



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