Michel Sapin : "La valorisation de la filière ne peut être de la seule responsabilité du ministère du Travail ni même du Gouvernement"

En cette rentrée, le ministre du Travail nous présente sa feuille de route pour 2013. Améliorer les conditions de travail, valoriser l'alternance, reconnaître les compétences acquises sur le terrain sont quelques-unes des préoccupations auxquelles s'attache le Gouvernement.

Publié le 04 septembre 2013 à 11:14

L'Hôtellerie Restauration : Le secteur des cafés, hôtels et restaurant manque de personnel qualifié. Quelles actions pouvez-vous mettre en place pour valoriser la filière ?

Michel Sapin : En effet, ce secteur a parfois des difficultés pour attirer à lui des professionnels formés et qualifiés. Les raisons sont multiples. Elles concernent aussi bien l'attractivité à la sortie de l'école que les salariés qui entrent dans le secteur et le quittent parfois rapidement, en raison des conditions de travail, du caractère saisonnier de l'activité… Il y a là un important gisement d'emplois - 200 000 entreprises et 700 000 salariés -, avec des enjeux de transmission d'établissements du fait de l'arrivée à l'âge de la retraite de nombreux patrons de cafés et restaurants. La valorisation de la filière ne peut être de la seule responsabilité du ministère du Travail ni même du Gouvernement. C'est l'ensemble de la filière qui doit s'engager dans cette démarche. La politique des filières relancée par le Gouvernement -  le Conseil national de l'industrie et la Commission nationale des services - vise explicitement à accompagner les filières dans l'identification d'une stratégie propre à leurs enjeux spécifiques. C'est ce que nous faisons avec Sylvia Pinel [ministre de l'Artisanat, du Commerce et du Tourisme, NDLR] et Arnaud Montebourg [ministre du Redressement productif, NDLR].

Les conditions de travail pour les saisonniers en hôtellerie-restauration sont souvent rudes. Allez-vous poser des règles pour améliorer le quotidien de ces salariés ?

La question des conditions de travail est une préoccupation forte du Gouvernement. Nous en avons fait un axe de la grande conférence sociale de juin dernier. Les partenaires sociaux ont eux-mêmes négocié pendant plusieurs mois pour parvenir à un accord sur la qualité de vie au travail. Dans le cas de l'hôtellerie-restauration, les horaires sont longs pour les patrons et cadres du secteur, morcelés pour les employés, avec du travail le soir et le week-end pour des salaires souvent inférieurs à la moyenne des métiers. Le dialogue social est la méthode pour progresser dans ces domaines, répondre aux besoins des saisonniers - comme le logement -, travailler sur l'attractivité des métiers du secteur, ou lutter contre le travail illégal. Des initiatives ont été prises par les acteurs locaux et professionnels, par exemple en Savoie, appuyées par les services du ministère de Travail - opérations de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriale. Elles doivent être amplifiées.

Les voies de formation professionnelle sont souvent considérées comme des voies de garage. Comment comptez-vous remédier à cette image qui colle aux métiers manuels ?

Même si le diplôme reste une arme contre le chômage des jeunes, notre pays doit considérer que les compétences acquises et reconnues, validées par le marché du travail, sont essentielles pour occuper un emploi. C'est le cas des diplômes délivrés dans la filière. Le système du compagnonnage, la formation en alternance, sont des atouts solides de ce secteur. On connaît le prestige des Meilleurs ouvriers de France. En outre, certaines professions de la filière, notamment les métiers de bouche, bénéficient aujourd'hui d'une exposition médiatique très forte et très valorisée. Le Gouvernement s'est engagé à poursuivre le développement de l'alternance, ce qui est une chance pour la filière. Celle-ci doit travailler sur l'amélioration de la qualité de cette voie de formation pour éviter les ruptures.

Plus largement, la valorisation des métiers passe par la reconnaissance des qualifications acquises par les salariés, puisque beaucoup d'entre eux n'ont pas été formés à ces métiers. Il y a là un enjeu de professionnalisation qui participe de l'amélioration de la qualité du service qu'attendent nos concitoyens autant que les touristes qui visitent notre pays. Je pense notamment à la traçabilité des produits ou à une nouvelle visibilité au caractère artisanal et personnalisé de la relation de service.

Je serai attentif à cet égard aux préconisations de la mission confiée par le Premier ministre à François Nogué [lancée en avril 2013, cette mission vise à améliorer la situation de l'emploi dans le tourisme, NDLR]. Mais rien ne pourra être fait sans une implication des partenaires sociaux du secteur. Le ministère les accompagnera dans cette démarche notamment sur l'évolution de l'offre de formation.

Le service public de l'orientation sera prochainement placé sous la responsabilité des Régions. Comment souhaitez-vous établir un rapprochement avec les professionnels ?

Une concertation associant l'État, les Régions et les partenaires sociaux est engagée sur la formation et l'orientation tout au long de la vie. C'est dans ce cadre que les professionnels, par le biais de leurs organisations, pourront mettre sur la table les problèmes et les solutions propres à la filière restauration. 

Avez-vous l'intention de vous rapprocher du ministère de l'Éducation nationale pour valoriser l'apprentissage ?

C'est en effet une des clés. Le travail est permanent avec le ministère de l'Éducation nationale pour valoriser l'apprentissage. Le plan de développement de l'alternance engage tout le Gouvernement, puisqu'il fait partie intégrante de la feuille de route issue de la conférence sociale des 20 et 21 juin derniers. Les partenaires sociaux, les organismes consulaires et les acteurs territoriaux seront consultés dès septembre pour examiner les évolutions nécessaires du dispositif. J'invite la filière de la restauration, très attachée à cette voie de formation, à s'y engager pleinement. 

Quels sont les projets en cours ou à venir pour le secteur de la restauration ?
La filière restauration se structure à l'initiative de Sylvia Pinel. Le ministère du Travail apportera tous ses outils aux acteurs. Nous allons soutenir le dialogue social en permettant à l'ensemble des partenaires de disposer d'un diagnostic partagé, identifiant les principales problématiques utiles à l'amélioration de la qualité de l'emploi dans la filière. Nous allons également favoriser les actions sur l'évolution de la certification des compétences, au regard de l'évolution des besoins identifiés par la filière. Il s'agit, pour moi, d'accompagner à la fois le développement de l'activité d'un secteur dynamique, vital pour l'image de la France et, dans le même temps, de mieux sécuriser l'emploi et les parcours professionnels des salariés.


Publié par Propos recueillis par Hélène Binet



Commentaires
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Patrice

mercredi 4 septembre 2013

Croyez-vous vraiment que l'on va attirer des employés avec la convention collective que l'on a? 50 heures par semaine, pas de week-end, pas de ponts, pas d'heures sup, pas de vacances l'été, des coupures qui nous font travailler de 9h à 23h... Gouvernements,patrons, soyez réalistes, on attire pas les mouches avec du vinaigre
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Patrice

mercredi 4 septembre 2013

NB, il y a même des patrons qui nous font travailler 11 jours sans repos...Je vis ça au quotidien et croyez moi, c'est vrai. Et maintenant, François II de Tulle veux nous faire travailler jusqu'à 70 ans...

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