L’Hôtellerie Restauration : Comment est née cette initiative ?
Nicolas Carro : Tout simplement d’une rencontre au Sirha avec le directeur du patrimoine et le coordinateur technique de la restauration du Crous Bretagne, il y a un an. Ils m’ont demandé si j’étais partant pour venir cuisiner avec eux et je me suis dit : “Pourquoi pas ?”
Quel était l’objectif de cette opération ?
Le bien-manger des étudiants. Souvent leur repas se cantonne à une cup de pâtes ou un sandwich. Or, c’est essentiel de manger varié, équilibré et d’y prendre du plaisir. Et aujourd’hui, en collectivité, malgré les budgets, on est capable de faire des choses à partir du moment où les chefs ont envie de cuisiner. Il faut donner aux étudiants l’envie de manger.
Comment cela s’est déroulé, concrètement ?
Il y a d’abord eu une grosse phase de travail avec Marcos Martinez, le coordinateur technique. L’idée était de lancer le projet dès la rentrée. Je me suis présenté aux chefs à l’occasion de la Quinzaine des chefs du Crous Bretagne. Je voulais un menu participatif, comme dans ma brigade, sans rien imposer, et surtout en ayant les mêmes contraintes pour éviter de faire un ‘menu Nicolas Carro’ qui explose le budget ! Qu’ils ne disent pas : “Il vient avec sa toque avec un menu à 5 € alors que nous on n’a que 1,82 €.” On a tout élaboré ensemble : les chefs du Crous sont venus dans mes cuisines pour travailler les recettes et faire un testing. L’idée était d’utiliser leur base de produits avec une approche différente.
Quels sont les défis auxquels vous avez été confronté ?
Les contraintes budgétaires bien sûr, mais aussi le fait d’utiliser leurs produits et de faire plaisir à tout le monde (végétaliens, sans gluten, sans lactose, etc.). Il a également fallu adapter les menus car les restaurants des Crous ne sont pas tous équipés de la même manière. La grosse difficulté a enfin été de passer de 55 à 2 000 couverts au restaurant de l’Astrolabe (Crous Rennes). C’est là que je me suis rendu compte que je leur avais demandé trop de manipulation et de mise en place en amont.
Qu’est-ce qui change entre la restauration traditionnelle et la restauration collective ?
Les températures de cuisson et le volume ! Le rythme aussi : pour envoyer 2 000 couverts avec un temps d’attente moyen de 13 minutes, il ne faut pas avoir les deux pieds dans le même sabot ! Mais je leur ai fait confiance et j’ai suivi le mouvement !
Ce que vous avez le plus apprécié ?
Le partage avec les opérateurs : on s’est mutuellement échangé nos savoirs et j’ai été accueilli partout à bras ouverts ! Je n’étais pas là pour leur apprendre la cuisine, car ils sont autant cuisiniers que moi. J’ai ressenti aussi beaucoup de plaisir de la part des élèves. Le meilleur ? Quand ils sont venus me voir en faisant la ola ! L’engouement des étudiants a été énorme.
Est-il possible de cuisiner au quotidien avec un tel budget ?
Oui, mais c’est une vraie logistique et une question d’équilibre avec des jours où l’on dépense plus que d’autres. Il faut jouer là-dessus. Je leur tire mon chapeau parce que ce sont des hommes et des femmes qui travaillent autant que nous.
Y a-t-il une suite à cette opération ?
Je vais déjà faire des tutos recettes sur Instagram pour les étudiants. Il n’y a pas de fin à cette opération à vrai dire, parce que j’aime ça, j’aime accompagner. Je suis en étroite collaboration avec Marco Martinez et je vais continuer à les aider sur l’expertise, le matériel (on a réussi à décrocher des contrats nationaux) pour améliorer leur quotidien et continuer à évoluer.
Publié par Stéphanie Decourt