Ce fut un long cheminement. Tout d'abord, grâce à ma mère, j'aime le goût de la nourriture. Donc on m'a mis au lycée des métiers Le Paraclet à Quimper. C'est en avançant dans la formation que je me suis investi, au fil des rencontres avec les chefs et celle décisive d'un excellent professeur de cuisine, Jean-Pierre Guillaume. Je faisais des extras le soir. J'ai commencé à lire des livres de chefs dans lesquels ils racontaient leur parcours. On apprenait très tôt que, pour arriver au sommet, il faudrait beaucoup travailler. Mon tour de France a duré 7 ans. Dans chaque région, j'ai mis un point d'honneur à étudier les produits, goûter les spécialités et apprendre les recettes. Entre le Paraclet et mon retour en Bretagne, 11 ans se sont écoulés. C'est la durée de mon apprentissage.
S'il ne fallait retenir qu'un plat parmi vos créations ?
Le Kig Homarz. Dans le Finistère Nord, nous avons une spécialité, sorte de pot au feu breton dans lequel j'ai intégré le homard, servi avec un far blanc sucré et un far noir salé. En Bretagne, ce n'est pas facile de bousculer les codes. J'ai conservé le côté viandard avec la petite saucisse et le boudin et modernisé le plat avec la fraîcheur de l'ananas, le zeste de citron, un confit d'oignon au beurre émulsionné comme un beurre blanc et de la laitue de mer. Il représente mon univers breton.
Quel est le plat best-seller à votre carte actuelle ?
Les clients viennent pour mon travail autour du homard, comme le homard frite coulante et son condiment tomate chorizo.
Le plat que vous auriez aimé inventer ?
Le plat qui m'a toujours émerveillé, c'est la gelée de caviar de Robuchon, un travail sur le « tremblottant ». C'était il y a 20 ans. Je me souviens encore de la fine pellicule de crème de chou-fleur et les grains de caviar qui éclatent en bouche. C'est un plat mythique.
Le plat le plus éblouissant en France ?
Le lièvre à la royale de Christophe Moret au Plaza Athénée à Paris. Un équilibre de saveurs dans la puissance et l'élégance des goûts. C'était à pleurer. Dans un autre registre, la soupe de petits pois glacés et couteaux aux agrumes d'Inaki Aizpitarte, Le Châteaubriand à Paris, est aussi sublime. Une touche de génie dans la cuisine.
Le repas le plus éblouissant en France ?
Chez Pascal Barbot et Christophe Rohat, L'Astrance à Paris. Ils venaient d'avoir 3 étoiles. Je me souviens d'associations inédites d'une pureté remarquable telles que la salade de lentilles au chorizo et noix accompagnée d'un verre de manzanilla. C'était magique. Je peux citer aussi l'épaule d'agneau confite avec une aubergine au chocolat, la tarte champignon/foie gras ou le granité citronnelle-piment d'espelette, une gifle !
Ce qui vous agace le plus ?
Lorsqu'on fait croire aux jeunes qu'ils peuvent devenir chefs très vite, or il faut du temps pour faire ses gammes.Le plus beau compliment ?
Quelquefois, des clients pleurent en salle. Ceux qui vous assurent qu'ils vont revenir, c'est le plus beau des compliments.
La critique qui vous a le plus marquée ?
J'admets parfaitement que l'on n'adhère pas à mon univers, même si c'est blessant, mais j'estime que les clients doivent au moins reconnaître le travail qu'il y a derrière. Le pire, c'est internet, où on lit des propos auxquels on ne peut pas répondre.
Le secret de la réussite
Le travail, encore le travail et la réflexion.Votre plus grand rêve ?
Etre apaisé au quotidien avec son métier, c'est sûrement ce à quoi aspirent de nombreux chefs également chefs d'entreprise. Et faire de l'auberge familiale l'une des plus grandes tables du monde, ce serait le rêve ultime.
Publié par Propos recueillis par Nadine Lemoine