"C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase." Pascal Favre d'Anne ne décolère pas. Suite à un commentaire laissé sur le site Tripadvisor, relatif à son équipe et à son épouse, sommelière au sein du restaurant Favre d'Anne à Angers (49), le chef étoilé s'est épanché sur sa page Facebook (lire encadré). "Je ne pensais pas que cela prendrait une telle ampleur", reconnaît-il. Son "coup de gueule" invite et incite les restaurateurs à s'unir contre la pratique des commentaires anonymes et diffamatoires postés sur internet. Résultat : les internautes s'enflamment et réagissent. Le chef reçoit des messages de soutien, des appels d'amis.
"Le ras-le-bol des restaurateurs face aux critiques injustifiées, pas argumentées, gratuites et surtout signées d'un pseudo, est de plus en plus fort, explique le chef. On n'en peut plus ! D'ailleurs, à chaque fois que l'on se retrouve entre nous, on en parle. Certains racontent même qu'une critique violente, voire diffamatoire, peut faire pleurer ou déprimer une personne, une équipe. Bref déstabiliser les troupes. Or, une brigade, une cuisine, c'est un groupe, une équipe, qui travaille dur. Il faut donc mettre un terme aux critiques anonymes infondées, surtout lorsqu'elles stigmatisent des personnes en particulier."
Fédérer des chefs de toute la France
Remonté, motivé, Pascal Favre d'Anne a également fait circuler une pétition. Et là non plus, il ne s'attendait pas à obtenir autant de retours. "En une semaine, la pétition a été signée par plus de 600 chefs de toutes les régions de France", dit-il. Des étoilés, mais pas que. "Parce que le patron d'une pizzeria ou d'une brasserie de quartier est également concerné", souligne le chef angevin.
"Je trouve en effet que c'est scandaleux d'avoir ce type d'attaque sur internet, Pascal Favre d'Anne a raison de se mobiliser", commente le chef Jacques Pourcel, lui-même signataire de la pétition. Avis partagé par Lionel Lévy, le chef de L'Intercontinental Marseille Hôtel Dieu (13), qui a également apposé son nom au bas de la pétition. "Lorsque la critique est anonyme, nous n'avons aucune preuve que la personne est bel et bien venue déjeuner ou dîner dans notre restaurant", regrette-t-il. Quant au chef Olivier Samson, installé à Vannes (56), c'est "la méchanceté des propos laissés sur internet" qui, selon lui, est "la plus difficile à accepter".
"Trouver un juste milieu et donner des limites"
Le débat est donc ouvert. "Je ne suis pas anti-critique pour autant, tempère Pascal Favre d'Anne. Je fais un métier où je suis confronté matin, midi et soir au regard des autres, au palais des autres. J'accepte la critique car elle fait progresser, mais pas n'importe comment. Les sites d'avis en ligne doivent avoir des modérateurs, refuser l'anonymat et contrôler la véracité des propos tenus." Lionel Lévy renchérit : "Depuis que l'on est dans l'univers de la cuisine, on vit avec des critiques et des classements. Nous avons l'habitude. Mais il faut revoir le mode de fonctionnement des critiques anonymes." Jacques Pourcel, pour sa part, prône "le compromis" : "S'il faut éviter de mettre des gens au cause lorsqu'ils font bien leur boulot, on ne peut tout de même pas interdire l'espace de liberté qu'est internet. Il faut donc trouver un juste milieu et donner des limites."
Pour cela, Pascal Favre d'Anne compte sur sa pétition. "Je vais l'adresser au ministre de la Culture et de la Communication, ainsi qu'au ministre de l'Artisanat, du Commerce et du Tourisme." D'ici là, il espère également rallier la cause des hôteliers : il est lui-même hôtelier depuis peu, avec l'ouverture d'un boutique-hôtel au coeur d'Angers, affilié à Châteaux & Hôtels Collection. Un autre vivier de signataires potentiels.
Publié par Anne EVEILLARD
lundi 19 mai 2014