En rêvait-il gamin ? Pas franchement. Exemple
paternel aidant, le petit Pierre Orsi
se voyait davantage faire le service que la cuisine. Comme Louis, son père, longtemps maître d'hôtel à la Brasserie Kléber à
Lyon, avant de devenir son propre patron au Café comptoir de Lyon, rue Tupin,
puis dans l'hôtel-restaurant portant son nom à Poleymieux, au coeur des monts d'Or,
à une vingtaine de kilomètres de la cité rhodanienne.
Sa première voie a donc été le service. Et puis, Paul Bocuse est arrivé. En octobre
1956, il s'est retrouvé en apprentissage à l'Auberge du pont de Collonges. Il a
très vite été subjugué par le jeune patron talentueux et exigeant auprès de qui
il découvre la beauté du geste du cuisinier.
"J'ai signé mon contrat
avec son père, Georges. On tremblait
devant Paul qui nous terrorisait, mais c'était affectif. Il y avait chez lui le
geste, l'aisance, la classe. J'ai découvert la broche et le feu. Je n'avais plus
de poils, plus de cils, on se brûlait la gueule, mais j'ai vécu des années
formidables."
Ensuite passé par l'Auberge du père Bise à Talloires,
Paris chez Maxim's, au Lucas Carton et chez Lapérouse, puis un détour à
Londres, le voilà en 1967 aux États-Unis où il reste huit ans. En 1975, il est de retour à Lyon, place Kléber. Deux ans après, une étoile vient distinguer sa
cuisine. Divine surprise ! "Je n'y
pensais pas. Nous affichions complet tous les jours avec 120 à 140 couverts.
Nous étions les premiers à n'avoir que des serveuses habillées en Laura Ashley
et cela plaisait aux hommes d'affaires. J'avoue pourtant que ce fut une belle
satisfaction et une reconnaissance, mais cela n'a pas changé notre façon de
faire."
Deux ans plus tard, Pierre Orsi annexe le commerce
voisin qui devient Le Cazenove, alors un simple bar pour faire patienter les
clients. Et dix ans après, il achète l'immeuble voisin faisant passer sa maison
de 140 à 1 500 m² sur trois niveaux !
Des années après, il a misé sur la fidélité de son
personnel et est ravi que ses deux maîtres d'hôtel (Pascal Nabat chez Orsi, Patrick
Desmurs au Cazenove) aient plus d'un quart de siècle de maison. "Il est important que le client soit connu
et reconnu", estime-t-il. Ravi aussi que Nathalie l'assiste depuis plus de vingt
ans.
Il n'a pas modifié l'axe de sa cuisine "classique, au goût du jour, généreuse, avec
du jus et des sauces", et admet volontiers qu'à Lyon, il y a "une génération de jeunes qui sont
brillants".
Alors qu'il fêtera ses 77 ans le 12 juillet
prochain, il n'ose se prononcer sur la date de sa retraite. "Je veux continuer le plus longtemps
possible. Je suis content avec mon tablier, mon torchon et mon équipe est
fidèle. Je suis heureux tout simplement, et content de travailler mais il faut
être organisé. Je suis toujours aux fourneaux et j'ai construit un bon réseau
de fournisseurs. Avec le recul, je suis content d'avoir une étoile et j'espère
la garder le plus longtemps possible. En paix."
Publié par Jean-François MESPLÈDE