Reine et Nadia Sammut, une transmission en douceur

Cadenet (84) Cette année, l'auberge de La Fenière fête ses 40 ans. Petit à petit, la chef et son époux passent le relais à leur fille, qui ouvre le restaurant à tous avec une cuisine sans allergène. Rencontre avec les deux femmes.

Publié le 18 mai 2015 à 11:02

Reine Sammut : "À notre tour de transmettre"

"Voilà 40 ans que je cuisine : en 1975, Claudette - la maman de Guy [le mari de Reine Sammut] -, commençait à me laisser les rênes du restaurant de Lourmarin. Elle vient de nous quitter, et jusqu'au bout, j'ai appris d'elle. Claudette m'a beaucoup donné, bien plus que ce que sa propre mère ne lui avait laissé.

Avec Guy, on se disait qu'il faudrait bien un jour céder cet instrument de 40 ans, ce morceau de vie. Et puis notre fille Nadia est venue avec son projet bien ficelé de 'cuisine pour tous' [c'est-à-dire sans allergène, NDLR], qu'elle aurait pu monter n'importe où, mais qu'elle a souhaité faire ici. Elle a 34 ans, la jeunesse et l'envie. Comme Claudette l'a fait avec nous, nous allons pouvoir l'accompagner. Rien que pour l'aider, je suis prête à travailler encore à ses côtés. À notre tour de transmettre !

Je n'aurais jamais proposé cette reprise à mes filles parce qu'on ne voulait rien leur imposer, et je n'aurais pas été déçue si aucune des deux n'avait souhaité reprendre : je tourne la page assez facilement, et nous aurions simplement refermé le livre de La Fenière. Mais là, bien sûr cela nous fait plaisir et nous restons à ses côtés avec amour.

"On s'y casse le nez"

La superficie de restauration était trop importante : entre la table gastronomique et le bistrot, il devait y avoir 350 m²  ! Nous avons consacré l'espace à une boutique, une école de cuisine, un espace d'accueil de séminaires… Et en modifiant l'allure du bistrot, nous l'avons adapté pour qu'il devienne un restaurant où les menus à 32 et 38 € côtoient les dégustations à 78 €, faisant la part belle aux plats emblématiques de La Fenière.

Tout est bien organisé : Guy continue à s'occuper des marchés et des vins, je traite les commandes et je cuisine avec Nadia, qui se consacre surtout au pain et aux desserts. Nous avons retravaillé toutes les recettes de Claudette et les miennes, comme si nous faisions une traduction en langue étrangère, ce qui était très amusant. J'aimerais avoir plus de temps pour faire des essais, car les contraintes du sans allergène sont autant de challenges. C'est comme si on me donnait de nouveaux produits à tester : je me régale, c'est une vraie ouverture dans ma cuisine. Ce qui est bluffant, c'est qu'on s'y casse le nez, notamment sur les desserts, qui n'y perdent rien mais au contraire gagnent en légèreté."

 


Nadia Sammut : "Je suis une militante de la cuisine pour tous"

"Depuis toute petite, pour moi manger signifiait 'être malade ensuite'. Je n'avais pas de plaisir, puisque la nourriture était associée à la crainte d'une nouvelle crise, sans comprendre ce qui pouvait la déclencher. Nous savons maintenant que je suis notamment intolérante au gluten et au lactose, et je dois vivre au quotidien avec la maladie coeliaque. Dans ce cas, cuisiner sans allergène n'est pas une tendance à la mode, c'est une obligation.

Mon projet est né de ces quarante ans d'histoire initiés par les saveurs transmises par ma grand-mère. Je suis partie voir le monde, et puis je me suis demandée : 'Pourquoi ne pas revenir ici, à la maison, et ouvrir cette cuisine à tous ?'

J'ai proposé à mes parents et ma soeur, Julia, de discuter de la suite de la Fenière. En arrivant avec mon business plan sous le bras, je me posais encore beaucoup de questions. Tout de suite, ils ont dit oui sur le principe de la transmission. Je crois qu'ils étaient émus. Ensuite, nous avons affiné ensemble les détails du projet.

"Mettre tout le monde à table est déjà une réussite"

Nous restons la maison de la famille Sammut, un foyer engagé pour la cuisine méditerranéenne. La cuisine de ma mère et le service de mon père sont réunis dans un seul lieu qui leur ressemble. J'y amène l'accessibilité de la cuisine pour que chacun, intolérant ou non, puisse y manger avec plaisir. Nous avons travaillé chaque plat sans jamais sacrifier le goût. L'expérience culinaire est à faire, car si on ne sait pas que ce sont des produits sans allergène qui sont utilisés, on ne pourrait pas s'en douter.

Tout ce travail a demandé beaucoup de réflexion : pour le pain et toutes les pâtes levées, il a fallu décrypter chaque farine avec ses propres caractéristiques, comme devant un orgue à saveurs. Pour la pâtisserie, je cherche sans relâche à étudier comment vont réagir deux ingrédients associés. Dans une crème pâtissière sans lactose, le gras de l'amande permet d'amalgamer les saveurs. Le paris-brest, rebaptisé Paris-Lourmarin, était le premier gâteau à 'traduire', car c'est le dessert préféré de mon père. De toute évidence, ce projet est un hommage à mes parents, à l'héritage culturel qu'ils nous ont transmis. Ici, nous cuisinons pour tous, avec un réel engagement. Et le fait de mettre tout le monde à table est déjà une réussite."


Publié par Propos recueillis par Anne Garabedian



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