"Tout c'est arrêté d'un coup", clame Gaëlle Castillan, propriétaire de l'hôtel Castillan à La
Grave (Hautes-Alpes). Le 10 avril dernier, 800 000 m3
de roche se détachent de la montagne et glissent dans le lac du Chambon,
provoquant la fermeture de la départementale 1091 qui relie Grenoble à Briançon.
En vertu des risques sur sa voûte, le tunnel du Chambon est fermé et condamne
la liaison directe entre le village de montagne et Grenoble. Dès lors, La Grave
et ses 500 âmes se retrouvent enclavées.
La montagne s'effondre, les réservations aussi
"Cela fait dix mois que ça dure ! Nous vivons du tourisme et du passage [6 000
voitures passaient par le tunnel du Chambon chaque jour, NDLR]. Cet été, nous
avons fait - 30 % de chiffre d'affaires. Après la catastrophe, les
autorités ont mis en place un système de navettes pour les Graverots, d'abord
par bateau pour traverser le lac du Chambon puis, après l'interdiction de
naviguer, par hélicoptère. Ensuite, une route de secours a été ouverte. Elle
est magnifique, goudronnée mais toujours barrée ! Alors, nos clients
lyonnais ou grenoblois ne viennent plus et refusent le détour de 60 km
avec frais de péage par le tunnel du Fréjus", s'époumone l'hôtelière qui annonçait deux
chambres réservées sur 37 pour le week-end des Reines de la Meije, une
opération événementielle qui offre chaque année la gratuité des téléphériques
aux femmes et permet aux cinq hôtels et six restaurants de la station de faire
le plein. L'assurance catastrophe naturelle ne fonctionne pas car l'accès à La
Grave reste possible par Briançon. "Cet été, nous avons eu une indemnisation à
hauteur de notre chiffre d'affaires par la CCI. Les Urssaf nous ont proposé un
report de charges mais pas une annulation. Les aides sont finies. L'hôtel est
vide et j'ai treize salariés fidèles que je renonce à licencier en pleine
saison", s'inquiète l'hôtelière.
L'unique route du Mont-Saint-Michel bloquée par les
éleveurs
À 1 097 km au nord-ouest, au Mont-Saint-Michel,
Matthieu Gaulois, dont la
famille exploite trois hôtels-restaurants et deux sandwicheries, s'indigne de
la prise en otage du rocher en juillet dernier par les éleveurs. En pleine
saison et pour plusieurs jours, des barrages de fumier, de pneus et de
tracteurs bloquent, en amont des parkings, l'accès à la célèbre abbaye. "C'est
facile de bloquer un site célèbre qui n'a qu'une seule route. Les éleveurs ne
laissaient passer ni les touristes ni nos employés et nos livreurs. Nous avons
vécu cela comme une agression. Nous avons perdu cette semaine-là 70 % de
nos réservations. Les 30 % restantes concernaient les clients pris au
piège sur le rocher", se plaint
le chargé du développement commercial du groupe Gaulois. "La fragilité du Mont-Saint-Michel
engendre de très nombreuses exclusions dans nos polices d'assurances. Ici, le
moindre événement anodin peut avoir des conséquences exceptionnelles. Récemment,
un orage a provoqué une rupture de courant, donc la coupure des pompes qui
amènent l'eau courante. Il n'y avait plus de télévision ni d'internet, car sur
ce site classé les antennes sont interdites, tout arrive par câble. Une
intervention sur la voirie engendre la mobilisation d'archéologues, au cas où
des vestiges seraient découverts... Même les livraisons sont compliquées à
cause des marées", explique Matthieu Gaulois.
Et que dire du café de la Gare à Moirans, dans l'Isère,
mis à sac en janvier dernier par les gens du voyage qui exigeaient un permis de
sortie de prison pour l'un des leurs à l'occasion de funérailles. "Je
suis seule pour faire le service et la cuisine. La place de la gare est en
travaux, c'est un champ de boue. J'ai dû me séparer de la serveuse que j'avais
depuis treize ans. Je n'ai rien touché des assurances car les experts se
disputent", glisse entre deux appels la presque septuagénaire Yolande
Budzynski, visiblement aussi excédée que débordée.
Publié par Francois PONT