Où en est-on aujourd’hui, en termes de recrutement, dans le secteur de l’hôtellerie-restauration ?
Thierry Marx : Il manque 200 000 postes dans la profession. Un constat qui n’est pas nouveau, puisque la pénurie a débuté dans les années 2000 et qu'elle s’est accentuée depuis. Nos métiers doivent donc se réformer. Sachant qu’aujourd’hui le salaire de base ne permet pas de s’épanouir dans sa profession et que nous avons un coût du travail parmi les plus élevés d’Europe. À un moment donné, il faut apaiser le débat. Reste à voir comment s’y prendre. Surtout que la problématique est générale : il manque aussi des postes dans la santé, la logistique, les travaux publics, la grande distribution… Quant au smic, voiture-balai de notre société, cela ne convient plus.
Récemment, Franck Chaumès, président de la branche restauration de l’Umih, a évoqué l’instauration d’un numerus clausus pour les restaurateurs, face aux 7 200 établissements qui ont fermé en 2023 : qu’en pensez-vous ?
C’était une proposition sous forme de provocation de la part de Franck Chaumès. Le numerus clausus, je n’y crois pas. Et ce d’autant que les lois du commerce ne le permettent pas. En revanche, c’est aux maires de faire attention lorsqu’ils délivrent une autorisation de restauration. Attention que la briocherie qui fait de la sandwicherie ne télescope pas la brasserie voisine… Gare aussi au changement de destination des fonds de commerce : tout le monde ne peut pas devenir restaurateur avec un simple micro-ondes ! Car cela va finir par dénaturer le mot restaurant.
Le salon EquipHotel 2024 dédie de nombreux événements et une scène entière au bien manger. Qu’est-ce que représente pour vous ce “bien manger” aujourd’hui ?
Pour moi, le bien manger, c’est le fait maison. Je défends le décret du 11 juillet 2014 relatif à la mention fait maison dans les établissements de restauration. Et je suis pour renforcer ce texte, dans un premier temps avec une loi-cadre concernant les produits de l’agriculture française. Puis, dans un second temps, avec la mise en place d’un label d’État pour les restaurants qui font du fait maison, contrôlé par le Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes [DGCCRF]. Tout cela ayant pour objectif de renforcer le mot restaurant et le terme d’artisan cuisinier. À terme, cela doit tirer tout le monde vers le haut. Et pour donner un peu d’oxygène économique aux restaurateurs qui jouent le jeu, je suggère de remettre la TVA à 5,5 %, ne serait-ce que sur un plat du jour.
Enfin, l’intelligence artificielle (IA) arrive dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Elle fera l’objet de plusieurs rencontres et conférences à EquipHotel. Faut-il avoir peur de cette IA ou faut-il l’apprivoiser ?
Je n’ai pas peur de l’IA. Et ce d’autant que l’on ne va pas l’arrêter. Elle fait déjà partie de nos vies, à l’instar du smartphone qui est un peu notre deuxième cerveau. L’IA est déjà dans nos voitures, nos maisons, les plateformes de réservation… C’est un outil supplémentaire. Mais on le sait bien : ce n’est pas la recette du meilleur pot-au-feu délivrée par l’IA qui fera le meilleur des cuisiniers. En même temps que l’IA investit notre quotidien, les sentiments et les sensations restent. La cuisine, c’est de l’émotion. Et l’IA ne peut pas développer les arômes…
Publié par Anne EVEILLARD