Retour d'expérience : Cuisiner en Terre Adélie

Les bases polaires recrutent non seulement des scientifiques, mais aussi des pros de la restauration. Des places hautement convoitées, et dures à décrocher.

Publié le 10 avril 2018 à 17:04

Une cuisine avec vue sur la banquise : c'est "l'expérience magique" que Bertrand Bonnefoy a eu l'occasion de vivre. Le chef, qui a déjà effectué cinq missions au sein de bases polaires, évoque avec émotion ces 'paradis blancs' : "Il y a une très bonne ambiance générale sur les bases et beaucoup d'entraide. Chacun aide à tour de rôle le cuisinier pour éplucher ou mettre la table. Et à l'inverse, j'ai pu aider à baguer les manchots empereurs et les albatros, voir naître un éléphant de mer ou un phoque…".

Se rendre sur place relève de l'expédition. "Pour atteindre la base de Dumont d'Urville en Antarctique, par exemple, il faut d'abord rejoindre la Tasmanie, soit trois jours d'avion, puis compter 5 à 6 jours de bateau, en espérant ne pas être bloqué par les glaces", raconte-t-il.

Un rêve pour beaucoup, mais que seuls quelques rares élus pourront connaître, car les places sont chères.


Intendance et adaptation

C'est l'IPEV (Institut polaire français) qui est chargé des recrutements, tous corps de métier confondus, pour les bases scientifiques françaises situées en Terre Adélie : Dumont d'Urville et son annexe, Cap Prud'homme. L'organisme embauche un cuisinier pour chaque hivernage (c'est-à-dire une mission d'environ 14 mois), un autre pour la campagne d'été (quatre mois durant l'été austral), ainsi qu'un boulanger pâtissier. "Le chef cuisinier est un bon intendant. Il doit être capable d'élaborer des menus variés et équilibrés en fonction des ravitaillements alimentaires et du stock, sachant que la base n'est approvisionnée que quatre ou cinq fois dans l'année, durant l'été austral. Il doit également réaliser l'inventaire des stocks en fin de mission", précise Laurence André Le Marec, en charge des recrutements.

Le chef devra "également rendre des comptes, faire remonter les problèmes"… et avoir une bonne dose d'adaptation. "Il faut être un peu imaginatif pour satisfaire tout le monde, surtout quand on travaille des produits originaux comme les escargots, le kangourou ou le crocodile, note Bertrand Bonnefoy. Il faut faire attention à l'eau douce et au tri sélectif : ce dernier est très rigoureux, on ramène les déchets en Australie. Et surtout, on ne gâche rien : la salade qui arrive là-bas coûte très cher ! Sur la base de Concordia, par exemple, il y avait 100 mètres entre l'avion et la base : à -40°C, on couvrait les salades avec des couvertures pour les protéger !".

 
Huis clos

Si le poste de boulanger pâtissier est ouvert aux débutants, celui de cuisinier, en revanche, est réservé aux professionnels expérimentés. Selon Laurence André Le Marec, c'est d'ailleurs "l'un des plus difficiles à tenir" : "Ce qu'on cuisine ne plaît pas toujours, il faut pouvoir accepter les critiques au quotidien et avoir de bonnes compétences relationnelles. On évitera les candidats caractériels !".

Les conditions de vie sont en effet très spécifiques sur une base polaire. À Dumont d'Urville, la communauté se compose de 23 personnes durant l'hiver austral, et monte jusqu'à 90 participants au cours de l'été austral. Un vrai huis clos. Les températures polaires oscillent entre 5 degrés l'été et -30° l'hiver. Enfin, aucun retour n'est possible en cours d'hivernage, la base étant cernée par la banquise…

Pour résister à ces conditions extrêmes, les candidats sont soumis à une batterie de tests physiques et psychologiques. "On privilégie le sérieux et la motivation. Il faut que le projet soit mûrement réfléchi et que le candidat soit bien renseigné", prévient Laurence André Le Marec.

#RetourDExpérience# #TerreAdélie# insolite 


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Publié par Violaine BRISSART



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