En 2010, Sylvette Lebeau veut mettre un terme à sa carrière d'enseignante : "J'étais prof de français dans un collège de la région parisienne." Elle veut changer de vie et de cadre de vie. L'hôtellerie la tente. Le bord de mer aussi. "Je cherchais à reprendre un petit hôtel d'une douzaine de chambres", dit-elle. Mais elle ne le trouve pas. Au hasard d'une rencontre, on lui parle d'un établissement de 35 chambres dans un bâtiment classé du XVIIe siècle à La Rochelle (17). "Plus de 30 chambres, c'était beaucoup, mais je me suis laissée séduire quand même : la bâtisse et son histoire - autrefois, on y battait la monnaie - m'ont beaucoup plu", raconte-t-elle. Conquise, convaincue que le métier est fait pour elle - "j'ai le goût des autres et l'envie de partager, d'échanger. J'aime les lieux où les vies se croisent, comme dans un roman…" -, elle fonce tête baissée, investit, rénove l'hôtel et le hisse vers des prestations haut de gamme. Mais la réalité va vite la faire déchanter.
"On ne peut plus conseiller un client en direct"
"Je n'avais pas mesuré l'évolution que le métier d'hôtelier a connu depuis ces cinq à dix dernières années, reconnaît Sylvette Lebeau. Je pensais que mon travail allait se focaliser en majorité sur l'accueil et les rencontres avec les clients. Or, pas vraiment. À l'heure d'internet, les réservations ne se font plus pas téléphone. On ne peut plus conseiller un client en direct, lui recommander telle chambre plutôt qu'une autre à cause d'une vue, d'un ensoleillement, d'un toit mansardé… On a beau avoir un réceptionniste, 24 heures sur 24, pour informer, expliquer et rassurer le client, celui-ci préfère réserver sa chambre en quelques clics. D'où, parfois, des déceptions de sa part : car il n'y a pas toujours adéquation entre ses attentes et son ressenti à l'issue de son séjour, faute d'avoir pu cibler tous les critères qu'il souhaitait en passant par une centrale de réservation plutôt que par l'hôtel."
" Quand Airbnb touche 90 €, moi je n'en gagne que 5"
Autres déconvenues pour l'hôtelière : "La multiplication des charges, des taxes et des commentaires insultants sur internet". Côté finances, elle reconnaît qu'une fois les traites remboursées et les salaires versés à son personnel, elle a du mal à se payer. "Je n'ai même pas le salaire que j'avais en tant que prof ! Heureusement que mon mari travaille", dit-elle. Quant aux avis mis en ligne par les clients, "Certains sont hors de propos. Il faut faire attention à ce que l'on écrit et à la façon dont on critique une prestation, car il y a toujours de l'humain derrière."
Enfin, depuis quelques temps, Sylvette Lebeau doit faire face à la concurrence des chambres d'hôte et des appartements de particuliers. Une concurrence qu'elle juge "déloyale" : "Ces chambres et appartements ne sont pas soumis aux mêmes normes, ni aux mêmes taxes, ni aux mêmes charges que les nôtres. Ils viennent donc fragiliser toute l'économie liée à l'hôtellerie. Pour une chambre facturée 100 €, Airbnb touche 90 € et moi seulement 5 €, car j'ai 18 salariés à payer. C'est délirant ! Il ne faut plus s'étonner si les petits hôtels ne peuvent plus tenir et ferment les uns après les autres."
"J'ai pensé tout arrêter"
Ecoeurée, désenchantée, elle a pensé tout arrêter. Mais sa passion pour le métier d'hôtelier l'a emporté : "Je continue, car l'activité, dans son essence même reste plaisante et motivante. Mais je suis en faveur d'une harmonisation de la diversité des offres en terme d'hébergement : tout le monde doit être logé à la même enseigne et être soumis aux mêmes normes, aux mêmes règles." Un discours qui a trouvé écho au sein de l'Umih de la Charente Maritime : "Ses représentants sont parfaitement au fait des difficultés actuelles des hôteliers, explique Sylvette Lebeau. Ils nous soutiennent." À celles et ceux qui seraient tentés, comme elle, de changer de vie pour devenir hôtelier, elle recommande de "s'accrocher" et de ne pas rechigner à "passer plus de temps sur internet qu'avec les clients". "Aujourd'hui, conclut-elle, on se bat toute la journée sur des écrans. Certes, internet permet d'être visible de loin. Mais il faut savoir jongler entre les réservations, les réseaux sociaux, le référencement… C'est extrêmement chronophage et ça dénature notre métier lié avant tout à l'accueil et à la rencontre de l'autre."
Publié par Anne EVEILLARD
jeudi 27 août 2015
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