Des annulations en cascade et aucune demande de réservation : à l’annonce du confinement le 16 mars dernier, la plupart des hôteliers ont pris la décision de fermer leur établissement. Quelques uns, peu nombreux, ont fait le choix de maintenir leur activité. Pour Nadège Le Chanu, de l’hôtel The Originals City La Terrasse, à Tours (Indre-et-Loire), la décision a été rapidement prise : “Mon mari et moi habitons sur place, nous nous sommes dits que tant qu’à être là, autant continuer à travailler.”
Le couple a donc géré seul, pendant deux mois, son hôtel de 48 chambres, alors que le taux d’occupation était très faible : “une chambre, parfois deux”. Pour Xavier Roy, qui dirige l’hôtel The Originals Relais Aux Vieux Remparts, à Provins (Seine-et-Marne), c’est la demande des clients encore présents le jour de l’annonce qui a motivé son choix : “Nous avions des réservations prévues après le 16 mars, que nous avions choisi d’honorer, pour des salariés travaillant à la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine. Ils n’avaient pas d’autre possibilité d’hébergement pour les semaines suivantes.”
Autre élément de décision, poursuit l’hôtelier: “Cela nous permet d’avoir une présence physique sur place, très importante pour la sécurité.” Même constat pour Sylvia Stropoli, co-dirigeante avec son frère, Stéphane Stropoli, de l'hôtel The Originals Boutique Grand Hôtel de la Gare, à Toulon (Var) : “Tous les commerces et restaurants du quartier étant fermés, nous maintenons un peu d’activité et de vie. Nous sommes situés en face de la gare de Toulon, notre présence rassure et sécurise le quartier.”
Le point commun des trois hôteliers : l’ouverture de leur établissement ne leur a pas permis de compenser les pertes, voire leur a même coûté plus cher que de fermer. En revanche, en matière d’image, le gain a été immense : “Les clients ont été très sensibles au fait que nous restions ouverts. Cela a renforcé l’image de notre établissement”, estime Xavier Roy. Cinq à douze chambres sont occupées en moyenne sur les 42 que compte son hôtels, par des personnes en déplacement professionnels. Sylvia Stropoli annonce quant à elle un taux d’occupation de 36 % en mars et de 10 % en avril.
Aucune visibilité
Les perspectives d’activité restent très modestes, faute de visibilité. Les réservations se font exclusivement en dernière minute. En cause notamment, les nombreuses inconnues concernant le retour de la clientèle loisirs, alors que les deux premiers week-ends fériés de mai sont d’ores et déjà perdus. Nadège Le Chanu compte poursuivre son ouverture à minima : “Tous nos salariés sont au chômage partiel. Depuis le début du mois de mai, l’activité reprend doucement, mais de façon très irrégulière. Je ferai un point début juin : s’il y a une stabilité des réservations sur une vingtaine de chambres, on reprendra un salarié.”
Après avoir beaucoup travaillé sur son référencement et avoir mis en place une offre de coffret-cadeaux qui n’existait pas jusqu’à présent dans son établissement, Sylvia Stropoli mise sur la flexibilité pour la reprise : “Il faut adapter nos conditions de réservation et d’annulation.” Autre piste de réflexion : le petit déjeuner : “Comme il n’y a plus de buffet, j’ai fait le choix de proposer un panier plus qualitatif.” L’hôtelière s’est également impliquée dans la vie locale via des actions solidaires, telle l’opération menée avec Var Tourisme ‘Le repos des héros varois’, qui offre des séjours, repas et moments de détente au personnel soignant.
Rassurer les clients
Rassurer les clients sera fondamental dans les semaines à venir. Une question de bon sens pour Sylvia Stropoli, qui n’a pas eu de difficultés à mettre en place un protocole sanitaire dans son hôtel : “Après tout, l’hygiène et la sécurité, c’est notre métier.” Nadège Le Chanu insiste sur le respect des règles sanitaires et de la distanciation sociale : “Lorsque le client quitte sa chambre, nous attendons 24 heures avant d’y entrer pour le nettoyage. Je suis très vigilante concernant le lavage des mains, je désinfecte le TPE après chaque paiement. Je laisse la porte de la réception ouverte pour que les clients n’aient pas à toucher la poignée. Et s’ils l’ont touchée, je la désinfecte tout de suite après. C’est très rassurant pour eux.” Attention toutefois à ne pas en faire trop, au risque de les effrayer, explique-t-elle pourtant : “Une de mes collègues a envoyé son nouveau protocole sanitaire à ses clients habitués, pour information. Depuis, elle n’a que des annulations !”
L’implication du personnel de l’hôtel sera la clé de la reprise, estime Xavier Roy : “Nous allons convoquer nos équipes pour les informer des règles sanitaires que nous allons mettre en place au moment de la reprise. Nous allons nommer un référent dans chaque service : hébergement, restauration, service en salle. C’est une nouvelle approche qu’il faudra mettre en place. Nous souhaitons que chaque salarié se sente pleinement concerné, impliqué et autonome, pour que chaque client soit rassuré. La sortie de crise se fera par la responsabilisation de chacun. Mais il est également important de garder le moral et de ne pas tomber dans la psychose.”
Quels enseignements tirer de la crise ? Sylvia Stropoli tente de se projeter plus loin : “De chaque contrainte, il faut savoir trouver des opportunités. C’est à nous d’en profiter pour repenser le service hôtelier et l’ensemble de notre offre, et de mieux communiquer avec nos clients. Ils sont très réceptifs et comprennent cette démarche.”
Publié par Roselyne DOUILLET