"Ma première vie se passe dans la ferme de mes parents en Bretagne. Mon
père voulait que je prenne sa suite, mais moi je rêvais d'école hôtelière. C'est
ce que j'ai fait à Dinard, puis je suis parti pour le groupe suisse-allemand de
Béat Schmid. Au Harry's Bar de Genève, j'ai gravi les échelons de chef
de rang à directeur adjoint. Cela m'a enseigné la rigueur, le goût du détail,
le contact avec la clientèle extrêmement exigeante. J'ai pris confiance en moi
et j'ai appris à me décomplexer par rapport à mes origines. J'ai alors
rencontré ma future épouse que j'ai suivie dans son pays d'origine, le Japon.
Ce fut un grand choc culturel ! Pour pouvoir bien vivre mon expérience, j'ai
passé trois mois à apprendre le japonais. En 1995, les grands chefs français
étaient là, mais il n'y avait pas de lieux accessibles et j'avais envie de
démocratiser la cuisine française. La cuisine bretonne, le cidre, la galette au
sarrasin, ce sont mes origines et je voulais développer cette idée de cuisine
régionale associée à une culture et un lieu de partage. J'ai ouvert le Breizh
Café à Tokyo en 1996 dans l'esprit d'une ambassade, avec de la musique
bretonne, le personnel vêtu de marinière… Il y a aujourd'hui quinze crêperies
au Japon et on y est le premier distributeur de cidre.
Le retour en France
Dix ans plus tard, j'ai eu besoin de tisser des liens entre le Japon et
la France. J'ai donc ouvert le Breizh Café à Cancale, mais dans l'idée de se
distinguer. Il y a des milliers de crêperies en France, il fallait faire
différent. Je pense que si je n'avais pas vécu au Japon, je n'aurais pas
imaginé les galettes roulées et les amuse-galettes. J'ai ensuite profité de ce
point d'ancrage pour faire venir les cadres japonais - de cuisine ou de salle -
pour leur faire découvrir des crêperies traditionnelles et leur faire goûter
des cidres. Puis il y a eu les ouvertures dans le Marais à Paris et à
Saint-Malo. Je suis breton et je vis au Japon depuis vingt-et-un ans, j'ai eu
envie d'associer la culture nippone à la crêperie. Au Comptoir Breizh Café de
Saint-Malo, on propose 60 références de cidres. Les crêpiers cuisinent devant
les clients et proposent des petits plats japonais et bretons à grignoter. Il y
a aussi des huîtres de la région. Une autre ouverture devrait voir le jour
cette année à Paris, dans le VIe arrondissement.
La formation de crêpier
En 2015, j'ai fait l'acquisition de L'Atelier de la crêpe à Saint-Malo.
On vient d'avoir le certificat de qualification professionnelle de crêpier, ce
qui est assez rare dans la profession. Je souhaite développer Breizh Café dans
les grandes capitales : New York, Sydney, Londres. On recherche donc des
collaborateurs. Saint-Malo va devenir notre port, c'est là où tout va
commencer ! À L'Atelier de la crêpe Breizh Café, on proposera dès
septembre des sessions de formation de deux mois pour huit personnes, avec un
restaurant d'application pour que les apprentis s'immergent tout de suite dans
la vie d'un restaurant. Il y aura aussi une cave à cidre qui sera un espace d'initiation
et de dégustation. Mon autre projet est à la fois un tournant et un retour aux
sources. Avec un ami d'enfance, nous allons investir 30 hectares de terres
agricoles et cultiver en bio différentes variétés de sarrasin. Ce sera un lieu
de partage avec les équipes et les clients. Après vingt ans d'expérience, je
veux donner plus de sens au métier de crêpier et aux métiers de la salle en
partageant notamment l'écologie et la production agricole."
Publié par Caroline MIGNOT