"À ma sortie du lycée hôtelier, je sous-estimais totalement ma fibre entrepreneuriale. C'est plus tard que je l'ai découverte. Au départ, j'ai voulu me frotter à différents établissements et voir du pays. Pendant une dizaine d'années, j'ai enchaîné les postes à l'Hôtel du Palais à Biarritz (64), au Martinez à Cannes (06), au Langham à Londres ou encore au Meurice à Paris (1er), où je me suis d'emblée lié d'amitiés avec le chef étoilé Yannick Alléno. À la fin des années 1990, lorsque j'ai pris la direction de l'Hôtel Balzac à Paris (VIIIe), puis celle aussi de l'Hôtel de Vigny, tout proche, j'aurais pu poursuivre dans cette voie. Mais c'est mal me connaître. Quand je ne suis plus en accord avec les décisions prises, je ne peux pas rester sans agir, ni réagir. En 2002, je n'étais plus sur la même longueur d'ondes que le groupe hôtelier pour lequel je travaillais. Les décisions prises n'avaient pas lieu d'être. Je les trouvais inadaptées, incohérentes. J'étais frustré. J'ai donc démissionné.
Le pari n'était pas gagné d'avance
Avec un associé, j'ai créé le Café moderne, place de la Bourse. Le pari n'était pas gagné d'avance. Et ce d'autant que je passais d'un poste de management à un poste d'exécutif et de gérant : cela faisait beaucoup. En outre, au bout de deux ans, un autre constat s'est imposé à moi : le Café moderne était une structure trop petite pour deux associés. Je suis donc parti, en gardant mes parts, et j'ai racheté le restaurant Astier, dans le XIe arrondissement. Cette table avait eu son heure de gloire, mais quand je l'ai reprise, tout était à refaire, à réinventer et redynamiser. Un vrai challenge et c'est sans doute à cette période que j'ai compris que j'avais un goût certain pour entreprendre. En tout cas, que les défis ne me font pas peur à partir du moment où je peux privilégier la qualité dans l'assiette - je sollicite des producteurs qui fournissent des étoilés -, le service, proposer un ticket moyen à moins de 50 € vin inclus et que la confiance règne avec l'équipe mise en place. Le facteur humain est primordial dans ce genre d'aventure.
Le facteur humain me sert de déclic
Parmi les personnes qui ont joué un rôle clé depuis la création du Café moderne, dont je me suis désormais séparé, jusqu'à aujourd'hui, où je m'apprête à ajouter un cinquième restaurant à la holding que j'ai créée, je citerais volontiers Yannick Alléno, ma femme Claudia, qui travaille dans la communication et m'est d'une aide précieuse dès qu'il s'agit de promouvoir l'ouverture d'un restaurant, le chef Sébastien Maréchal, les architectes que je sollicite à chaque projet, jusqu'aux banquiers qui me suivent depuis le début. Rien ne peut se faire sans une équipe. S'entourer de personnes de confiance, c'est impératif pour réussir. Car la solitude de décision, dans ce métier, c'est très difficile à gérer. À chacun de mes projets, le facteur humain me sert de déclic. Les rencontres, les échanges sont à la base de tout : aussi bien du rachat d'Astier que de la création, toujours à Paris, des restaurants Jeanne A (XIe), Jeanne B (XVIIIe), Sassotondo (XIe) et, en février 2015, de La Marée Jeanne, rue Montorgueil (IIe), un restaurant de 45 couverts ciblé sur les poissons et les fruits de mer.
S'autofinancer permet une liberté d'action et de gestion
Le Jeanne A a été l'une des premières épiceries-restaurants de la capitale. Il a fallu un an et demi pour que le public comprenne le concept. Mais, aujourd'hui, c'est un succès. Même scénario avec le restaurant italien Sassotondo, qui propose des plats et des saveurs que les Parisiens n'ont pas l'habitude d'avoir dans leur assiette. C'était un parti pris risqué, mais il s'inscrit dans la durée. Le fait de s'autofinancer permet cette liberté d'action et de gestion. Je suis également dans une logique de cession de parts pour mes collaborateurs : je préfère avoir 80 % d'une affaire qui cartonne que 100 % d'une affaire qui ronronne."
Publié par Anne EVEILLARD