Réussite : Guy Legay, l'infatigable

Ancien doublé étoilé Michelin au pavillon Ledoyen puis au Ritz, le chef a officiellement pris sa retraite en 2000. Depuis, il préside des concours, écrit, fait du consulting et participe à la sélection des candidats pour l'émission Top Chef. Rencontre.

Publié le 13 avril 2016 à 11:42

"Dans la vie, j'ai eu pas mal de chance ! Mes parents tenaient un petit hôtel-restaurant du côté de Clermont Ferrand, j'ai toujours traîné dans les cuisines et toujours voulu être cuisinier. Mes débuts ont été assez difficiles, j'ai commencé dans une pension de famille au Mont d'Or, mais après quinze jours seulement, l'établissement a fermé faute de clients… La patronne a dit à mon père : "Votre fils ne fera jamais rien dans la vie !" Par relation, mon père m'a ensuite trouvé une place d'apprenti à La Belle Meunière, à Royat. J'y suis entré le 30 mars 1956 pour deux ans. On m'a inculqué de bonnes bases et ça m'est resté. Mon apprentissage terminé, j'ai passé mon CAP puis mon patron m'a gardé comme commis pour la saison. Je me souviens encore quand il m'a donné ma première paie, je n'arrêtais pas de sortir les billets de ma poche et de les regarder !

Je suis ensuite parti à Paris avec trois lettres de recommandation. Je me suis tout de suite inscrit à la Société des cuisiniers de Paris mais, à l'époque, il y avait inflation de cuisiniers et 80 ou 100 personnes attendaient qu'un employeur téléphone. Le 3e jour, le directeur m'appelle et m'envoie faire un remplacement à la brasserie Bofinger. Puis j'ai eu la chance de pouvoir rentrer chez Maxim's, 3 étoiles Michelin à l'époque, auprès d'Alex Humbert. Lui et Lucien Bon, mon maître d'apprentissage, sont les deux chefs qui ont marqué ma vie. Après une année, je suis parti en Algérie pour le service militaire et, à mon retour, j'ai voulu travailler au garde-manger. On ne téléphonait pas à l'époque, on écrivait : j'ai donc écrit à monsieur Humbert au Maxim's. Il m'a repris comme chef de partie, où je suis resté un an avant d'intégrer Le Bristol en mars 1965.

"Je suis passé chef au bout d'un mois"

Ma carrière a pris un tournant décisif lorsque ma recette a été sélectionnée parmi les six meilleures pour le concours Prosper Montagné. Le 14 janvier 1966 - il y a des dates qui marquent à vie ! -, Raymond Olivier, alors président du jury, a annoncé que j'avais gagné. J'étais pétrifié, personne ne me connaissait ! Il m'a même proposé de présenter ma recette d'arrière de porcelet avec quatre garnitures d'abats de porc à la télévision, dans son émission. Le vainqueur du prix Prosper Montagné devait également réaliser son plat de concours pour 150 personnes à l'occasion du repas de gala du club, qui se passait chez Ledoyen. Trois ou quatre jours après, le patron du Ledoyen m'appelle et me demande de passer le voir. Il m'a proposé de seconder le chef de l'époque, ce que j'ai accepté. J'ai commencé le 14 avril 1966 et je suis passé chef au bout d'un mois par la force des choses, le chef étant tombé gravement malade. J'avais 26 ans mais j'ai pris la brigade en main. Cela n'a pas toujours été facile - il y avait des gars plus âgés que moi -, mais j'ai réussi à m'imposer, j'avais la niaque ! En 1968, j'ai gagné le prix Taittinger, en 1970, le trophée national de cuisine et, en 1972, le concours du MOF.

Un jour de 1979, je reçois un coup de fil du Ritz. La direction souhaitait me rencontrer. Ils m'ont fait des propositions, nous avons discuté pendant trois mois avant de nous mettre d'accord. En plus de mon arrivée, je devais leur trouver deux adjoints : j'ai pris Christian Constant, qui avait travaillé six ans avec moi chez Ledoyen, et Gabriel Biscay. J'ai envoyé cinq personnes au mois de mai et j'ai pris mes fonctions le 1er juillet 1980. Les restaurants d'hôtel ne marchaient pas à l'époque mais Mohamed Al Fayed voulait que la cuisine du Ritz évolue. En 1981, nous avons eu l'étoile et, en 1982, la deuxième. C'est à ce moment là que les restaurants d'hôtels ont démarré.

La brigade comptait 35 personnes au début et nous avons fini à plus de 80. Mes gars, je les menais fermement : il fallait qu'ils arrivent propres et rasés, qu'ils disent bonjour et au-revoir. J'avais une liste d'attente énorme, je choisissais ; tandis que maintenant, on prend ce qu'on trouve… Je les embauchais à un grade inférieur et, selon leurs capacités, ils évoluaient… Ils avaient deux jours de congé par semaine, dont un dimanche sur deux, et quatre jours d'affilée toutes les deux semaines. Pareil pour les salaires, j'ai contribué à faire évoluer les choses. Je n'étais pas que chef de cuisine, je m'occupais de tout, il fallait tenir tout le monde à bout de bras mais ça me convenait.

"J'ai eu vingt MOF dans mes équipes"

J'ai formé de nombreux cuisiniers dans ma carrière : Christian Constant, Christian Le Squer, Philippe Legendre, Manuel Martinez, Jacques Lameloise, Yves Camdeborde… et leur ai fait faire beaucoup de concours. Au Ritz, nous étions une vraie machine à concours, nous étions redoutables ! Les gens disaient que ce n'était pas la peine d'y aller, que c'était plié d'avance ! J'ai quand même eu vingt MOF dans mes équipes, et il y en a encore deux cette année au Ritz [Christophe Raoux et Benoît Nicolas, NDLR]. J'ai pris ma retraite le 30 juin 2000, après vingt ans au Ritz, mais je ne me suis pas pour autant arrêté. J'ai créé ma société de conseil, Legay Cuisine Conseil International. Je faisais des menus, des cartes, trouvais du personnel… mais au bout de cinq ans, j'ai bouclé l'affaire. Depuis, je préside des concours, je m'occupe des MOF et aussi de sélectionner les candidats pour l'émission Top Chef. La société de production choisit une centaine de CV et je fais passer un casting aux élus. Ils doivent réaliser deux plats, l'un imposé en 1 heure et l'autre libre en 45 minutes, puis ils ont un entretien devant la caméra. Je mets des notes et je fais mon classement, mais ce n'est pas moi qui aie le dernier mot. J'ai également travaillé sur le tournage du film Les Saveurs du palais en tant que conseiller technique. Avec Gérard Besson, nous avons réalisé tous les plats, qu'il fallait faire et refaire, parfois cinq ou six fois ! Dernièrement, j'ai remis au goût du jour Le Nouvel art culinaire français, ouvrage de référence de la cuisine qui avait besoin d'une mise à jour. Je suis en train d'écrire un livre sur la cuisine régionale qui sortira en octobre et je passe aussi beaucoup de temps avec le Club cycliste des toques blanches, que j'ai créé…"


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Publié par Julie GERBET



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