"Je suis fils de restaurateur. Ce métier me plaisait et mon père m'a dit
cette phrase qui a achevé de me convaincre : "Avec cette profession, tu peux voyager dans le monde entier et tu
trouveras toujours un poste." J'ai été formé dans les écoles hôtelières de
Bellegarde et Dardilly, j'ai travaillé dans de bonnes maisons - dont La Mère
Brazier à Lyon -, puis je me suis vite mis à mon compte. Comme je n'avais pas
les moyens de monter un restaurant, j'ai décidé de cuisiner chez les clients. J'ai
été en quelque sorte un précurseur des chefs à domicile. Ma petite entreprise,
qui s'appelait justement La cuisine à domicile, a eu beaucoup de succès et de
retombées dans la presse, j'ai même reçu des encouragements de Paul Bocuse…
J'ai fait ça pendant trois ans, et je me suis dit que je pourrais développer
le même concept aux États-Unis. Le rêve américain ! Je suis parti, j'ai
obtenu des fonds, mais la vie ne m'a pas plu là-bas, je ne trouvais pas mes
repères… Je suis donc rentré en France. Ma société, dont j'avais laissé les
rênes à un copain, ne se portait pas très bien. Heureusement, j'avais rencontré
à San Francisco quelqu'un qui allait créer un hôtel 4 étoiles dans le
Luberon et qui m'a demandé de l'assister. C'était l'occasion de changer de vie,
d'autant que ma femme était enceinte. C'est ainsi que je suis devenu associé et
consultant au Moulin de Lourmarin. J'y ai travaillé deux ans, avant que le
bâtiment ne s'écroule. Cela a été extrêmement difficile, je n'ai eu aucune
indemnisation...
Rebondir
J'ai alors ouvert un petit restaurant de quinze places assises, c'était
la seule façon de voir venir. J'étais en cuisine, ma femme en salle, et on
proposait une carte lyonnaise en Provence. On était le seul restaurant de
Lourmarin ouvert toute l'année. On avait les crocs, il fallait travailler !
On voulait faire une terrasse couverte et agrandir le restaurant jusqu'à
100 places. Mais les autorisations, cela prend toujours du temps.
Finalement, un incident a accéléré les choses. Il y avait à l'époque une salle
avec un toit en polycarbonate qui s'est envolé alors que le maire déjeunait
chez nous… On a vite reçu nos autorisations, et nous avons finalement tenu le
Bistrot de Lourmarin pendant près de trente ans.
La suite logique pour un restaurateur, c'est de vendre des chambres. Il
manquait justement un hôtel sympa à Lourmarin, l'un des plus beaux villages de
France. On a donc monté en 2006 La Bastide de Lourmarin, un établissement
atypique de 19 chambres. On s'est dit qu'avec notre restaurant, on
remplirait facilement l'hôtel. C'était le cas, on travaillait 20 heures
par jour… En parallèle, j'ai repris l'hôtel Arquier, auquel je me suis
consacré. Mais, pendant ce temps, La Bastide périclitait. Tenir deux affaires
de ce type demandait trop de travail. J'ai revendu mes parts dans l'hôtel d'Arquier,
je suis revenu à la Bastide, on a remobilisé les équipes, et nous sommes passés
4 étoiles.
"Ne rien laisser au hasard"
D'ici peu, j'aimerais déléguer la gestion de La Bastide, afin de me
consacrer à 100 % au développement commercial d'un nouvel outil numérique
d'évaluation de la satisfaction client. En 2013, j'ai monté une
start-up, Food'up et Room'up, pour les restaurateurs et les hôteliers. Ces
derniers peuvent poser à leurs clients douze questions fermées et précises, par
exemple sur leur carte, leur terrasse, leurs équipes… Pour accéder au
questionnaire, les clients flashent le QR code indiqué sur un petit chevalet. Ils
peuvent laisser des commentaires et gagner des chèques-cadeaux. Cela permet aux professionnels d'avoir une visibilité
quotidienne de leur entreprise, grâce à un système de notation. Les
établissements qui ont des difficultés réelles se voient proposer des audits
plus complets. Cela illustre l'une de mes
convictions : dans nos métiers, il ne faut rien laisser au hasard."
Publié par Violaine BRISSART